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de mammifères il y a un corps calleux, des ventricules, des tubercules quadrijumeaux, des couches optiques ; toutes régions anatomiques dont les noms barbares ne sont pas à mentionner ici. Il suffira au lecteur de savoir que le plan général est le même, et que l’anatomiste qui a très bien étudié le cerveau du singe connaît d’une manière passablement exacte l’anatomie du cerveau de l’homme.

Les circonvolutions constituent dans l’appareil cérébral de l’être humain l’élément qui a pris le plus d’importance ; et c’est surtout par les circonvolutions que le cerveau de l’homme diffère du cerveau des autres vertébrés. Cependant, sur l’encéphale du chien, on distingue le plan primitif, et comme l’ébauche, des circonvolutions si compliquées et si profondes de l’homme adulte. En passant de l’animal à l’homme, l’organe s’est perfectionné, s’est agrandi, s’est diversifié ; mais il est resté le même organe.

Parce que le cerveau de l’homme est plus volumineux et plus riche en circonvolutions que le cerveau d’un animal quelconque, ce n’est certes pas une raison suffisante pour faire de l’homme un être à part. Raisonner ainsi, ce serait aussi peu scientifique que de faire des kanguroos un règne à part, parce qu’ils ont une queue volumineuse qui leur sert de base de sustentation et sur laquelle ils s’appuient pour faire des bonds prodigieux. La girafe est douée d’un cou démesurément long, relativement aux dimensions de son corps et de sa tête. Le nez est remplacé chez l’éléphant par une trompe, dont la longueur est énorme, et on ne trouverait aucun organe analogue chez les autres êtres. Toutefois personne n’aura l’idée d’imaginer le règne des kanguroos, ou le règne des girafes, ou le règne des éléphans. On ne pensera même pas à faire de chacun de ces animaux une classe toute spéciale, par cela seul qu’un de leurs organes a pris un développement extrême. Eh bien ! il faut raisonner de la même manière pour l’homme. Son cerveau est très large, très lourd, sillonné de circonvolutions nombreuses, profondes et compliquées ; mais le grand développement de cet organe ne permet pas de classer l’homme en dehors des autres êtres.

Le naturaliste, lorsqu’il veut grouper les êtres, établit ses classifications d’après les caractères généraux, et non d’après tel ou tel caractère particulier. Le meilleur exemple que nous puissions donner à cet égard est celui des poissons électriques. On sait que certains poissons sont doués de la bizarre propriété de produire de l’électricité, alors que dans la nature nuls autres êtres ne peuvent accomplir cette fonction. Tout le monde a entendu parler de la torpille, qui, lorsqu’on la touche, donne à son imprudent agresseur une violente secousse électrique. Il y a là un phénomène physique bien spécial et bien caractérisé. Cependant aucun naturaliste n’a jamais songé à se servir de cette fonction étonnante comme d’un