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période presque séculaire a voulu donner un surcroît de force et de garantie. Les cahiers des charges contiennent cependant la faculté de rachat à toute époque après l’expiration des quinze premières années de la concession ; mais, dans la pensée des contractans, cette faculté n’était réservée que pour le cas où le concessionnaire exploiterait mal et ne rendrait pas au public les services qu’on doit attendre d’une voie ferrée, ou en vue des circonstances imprévues qui pourraient commander, au moins pour un certain temps, l’exploitation directe par l’état. La réserve du rachat est, par ces motifs, inscrite dans tous les cahiers des charges, à l’étranger comme en France. Elle n’autorise pas le gouvernement à réviser arbitrairement la durée des contrats, durée qui a été stipulée à dessein pour attirer les capitaux et pour faciliter l’organisation d’un bon service. Est-ce que les capitaux seraient venus volontiers aux entreprises des chemins de fer s’ils avaient compris qu’à partir de la quinzième année ils risquaient d’être remboursés ou transformés ? Est-ce que les compagnies songeraient à réaliser les améliorations de service, qui le plus souvent sont coûteuses à leur début, si elles se croyaient exposées à perdre, par un rachat prématuré, la compensation, les profits à venir de leurs sacrifices ? Non : il n’est pas possible, il ne serait pas loyal de refuser aux contrats de concession la durée ferme de quatre-vingt-dix-neuf ans et de ne pas considérer comme étant purement éventuel, comme ne devant être qu’un cas exceptionnel de force majeure, l’exercice de la faculté de rachat. À ce point de vue, la combinaison proposée par M. Léon Say pour équilibrer le budget extraordinaire de 1883, au moyen du remboursement anticipé de la somme due par la compagnie d’Orléans pour la garantie d’intérêt, cette combinaison, par laquelle l’état s’engageait, pour prix de ce remboursement, à ne point user pendant quinze années de la faculté de rachat, provoquait de sérieuses critiques, et nous ne regrettons pas qu’elle ait été écartée. Elle avait le tort d’aliéner pendant quinze ans le droit de rachat que, dans un intérêt supérieur, l’état doit conserver intact, pour le cas où se produiraient des circonstances impérieuses et imprévues ; elle avait le tort non moins grave, de dénaturer le caractère de la clause relative à la durée des concessions et de signifier aux compagnies que, tous les quinze ans, elles seraient exposées à voir marchander en quelque sorte la continuation de leur existence. Avec un tel précédent, les compagnies auraient été intéressées à réduire, pendant les dernières années de la période, toutes les dépenses d’amélioration, afin de ne pas diminuer, au détriment de leurs actionnaires, le bénéfice net d’après lequel le prix de rachat doit être calculé. — Il est très essentiel que les chambres et l’opinion publique soient exactement fixées sur