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l’origine et la nature de cette clause fondamentale des conventions. La révision des contrats, quant à la durée, ne serait légitime que si les compagnies étaient reconnues impuissantes à remplir leurs engagemens et si l’expérience avait démontré que les doctrines admises, après de si longs débats, en matière de travaux publics et de transports sont fausses et contraires à l’intérêt général. Or l’impuissance des grandes compagnies n’est pas même alléguée ; partout (et c’est un progrès) l’industrie privée, devenue si forte et si riche par l’association, tend à remplacer l’état dans l’exécution des plus vastes entreprises ; en France, et notamment pour ce qui concerne l’exploitation des chemins de fer, cette évolution économique a été profitable. Par conséquent, il ne convient pas de remettre perpétuellement en question la durée des contrats, il importe au crédit public comme au crédit des compagnies que la menace du rachat, c’est-à-dire de l’expropriation, demeure limitée aux éventualités tout à fait exceptionnelles qui la justifient, et il faut que désormais, par une interprétation plus exacte du sens des conventions, la sécurité soit rendue aux capitaux engagés dans les chemins de fer.

Au surplus, le rachat paraît abandonné, pour le moment, par le gouvernement et par la majorité de la chambre, qui renonce, et pour cause, à charger l’état de l’exploitation des voies ferrées. Il n’est plus évoqué dans les discussions parlementaires que pour fournir au ministre des travaux publics une arme ou plutôt un épouvantail contre les compagnies avec lesquelles il est appelé à négocier. Cela n’est peut-être pas bien sérieux ; le ministre saura trouver des moyens plus sûrs pour mener à bonne fin la tâche difficile qui lui est confiée. Il s’agit d’abord d’assurer l’achèvement du troisième réseau, et, à cet effet, de s’entendre avec des compagnies concessionnaires. En second lieu, traitera-t-on avec les grandes compagnies existantes ou avec des compagnies nouvelles ? Puis, quelles seront, quant au contrôle de l’exploitation et à l’établissement des tarifs, les conditions du cahier des charges ? Enfin, qu’adviendra-t-il du réseau de l’état ? Ce réseau sera-t-il maintenu ou devra-t-il disparaître, soit en formant une concession distincte, soit en se fusionnant avec d’autres compagnies ?

Pour l’ordre de la discussion, il nous paraît utile d’examiner en premier lieu la question relative au réseau de l’état. Selon les uns, l’exploitation de ce réseau a été jusqu’ici désastreuse ; M. Léon Say n’évalue pas à moins de 40 millions de francs la perte subie depuis trois ans aux dépens du trésor, perte qui s’accroîtra nécessairement par l’ouverture, de nouvelles lignes improductives. Selon les autres, la perte serait beaucoup moindre, et l’on va même jusqu’à