droit que l’investiture pontificale donnait à Robert de choisir lui-même son successeur parmi ses enfans. Ceux-ci régnèrent après lui, puis ses neveux, et l’Italie méridionale resta soumise à cette branche de la maison de Hauteville, bientôt élevée sur le même rang que les autres dynasties royales.
Robert Guiscard put alors reprendre, fort de la concession papale qui en faisait une sorte de croisade, et mener à bonne fin l’entreprise qu’il avait si brillamment inaugurée dans le Val di Crati, en Calabre, alors qu’il n’était qu’un simple aventurier exilé aux avant- postes par son frère Humfroi, le vaste plan qu’il avait dès lors conçu : enlever à l’empire grec tout ce qu’il possédait encore sur le continent italien, dans la Pouille et dans la Calabre, absorber également les principautés lombardes qui subsistaient à Bénévent et à Salerne, étendre sa suzeraineté sur les républiques commerçantes de Gaëte, de Naples et d’Amalfi, puis couronner l’œuvre en faisant sur les musulmans la conquête de la Sicile, qu’il donna en fief, avec le titre de comte, à Roger, son frère puîné. En même temps, tout en poursuivant la guerre avec une ardeur nouvelle, il adopta une ligne de conduite absolument différente de celle qu’avaient tenue jusqu’alors les Normands et avant eux les autres étrangers descendus dans la péninsule depuis les invasions barbares. Le lendemain de la bataille, il distribuait généreusement à ses troupes le butin gagné par l’épée; mais en même temps, il appelait à lui les indigènes, que ses frères avaient tenus en servage. Il leur ouvrait les rangs de son armée et s’efforçait d’effacer l’ancienne et injurieuse distinction établie depuis cinq siècles entre les vainqueurs et les vaincus. Il inaugurait ainsi cette admirable politique d’apaisement, de tolérance et de conciliation, si extraordinaire pour son époque, qui réunissait autour de lui, en les groupant par les mêmes intérêts, au service d’une même pensée, les populations les plus diverses de race et de langue : Normands établis de la veille en Italie, Lombards dépossédés de leur ancienne suprématie, Italiens de race latine foulés et pressurés de longue date par les invasions, mais toujours fiers de leur descendance romaine. Grecs, par qui les empereurs de Constantinople avaient colonisé la Calabre, Arabes de Sicile, juifs des villes de négoce, nombreux surtout dans la Pouille ; des hommes entre lesquels la diversité de foi et de culte semblait devoir établir des fermens de haine irréconciliable, obstacle impossible à surmonter pour toute tentative de fusion. Chrétiens de rites ennemis relevant, les uns de l’obédience du pape, les autres de celle du patriarche de Constantinople, musulmans et Israélites, Robert les plaçait tous dans ses états sur un pied d’égalité, les admettait également, sans distinction d’origine et de religion, dans les plus hauts