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d’une manière confuse, mais il n’en constitue pas moins un monument législatif de la plus haute valeur où se résument les progrès les plus avancés du droit tel qu’on le comprenait au XIIIe siècle. C’est le premier exemple que le pouvoir souverain ait donné en Europe de substitution de la loi écrite à la coutume, de tentative de mise en ordre du chaos juridique dans lequel se débattait le moyen âge. Depuis Justinien l’on n’avait pas vu formation d’un code complet de ce genre s’étendant à toutes les choses de l’ordre social. Frédéric y poursuit systématiquement l’abaissement de la puissance de la noblesse et du clergé, la restriction de leurs privilèges au profit du pouvoir royal. Il établit ce pouvoir en protecteur de leurs vassaux, auxquels il offre un recours contre l’oppression et les vexations de toute nature. Il revendique exclusivement pour la couronne la juridiction criminelle à tous les degrés et l’appel des causes civiles. Mais tout en abaissant la noblesse, il montre une jalousie maladroite contre l’établissement des communes; il n’assure donc pas à la royauté cet appui de la bourgeoisie des villes que surent s’acquérir les rois de France, en poursuivant la même œuvre par une voie plus lente, mais aussi plus sûre. Il dut profondément le regretter à la fin de son règne, quand il vit autour de lui la trahison et la révolte éclater partout dans les rangs des seigneurs. Mais, sous ce rapport, il avait poursuivi toute sa vie l’idéal de l’absolutisme impérial et il s’était montré centralisateur à l’excès. Le souvenir des troubles de sa minorité pesait sur lui comme il pesa plus tard sur Louis XIV.

Melfi, d’ailleurs, en ayant cessé d’être une capitale, restait une ville de grand commerce, un des principaux marchés de la Pouille. Les Amaltitains y venaient trafiquer en grand nombre, y avaient un quartier spécial et y étaient placés presque sur le même, pied que les citoyens. La juiverie était riche et considérable, moins pourtant que celle de la voisine Venosa. Sous l’empire romain, les juifs s’étaient établis en très grand nombre en Apulie; ils y pouvaient posséder le sol, et plusieurs d’entre eux étaient devenus dans ce pays de grands propriétaires terriens. D’une constitution de l’empereur Honorius, datée de 398, nous apprenons que dans cette province l’ordo ou sénat municipal de plusieurs cités en était venu à présenter une majorité de juifs. Bien traités par les Ostrogoths, ils se montrèrent dévoués à leur cause, et les juifs de Naples eurent une part considérable à la défense de la ville contre Bélisaire. Un peu plus tard, le pape saint Grégoire le Grand, dans sa correspondance, se montre souvent préoccupé des Israélites apuliens ; il n’était pas comme son prédécesseur saint Gélase, qui traitait en intime ami un de ceux-ci, nommé Telesinus. Un célèbre rabbin français du