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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/598

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uns labourés, les autres en guérets, parsemés partout de grands chênes qui s’y dressent isolés ou par groupes de deux et de trois. C’est le chêne rouvre de nos forêts qui est par excellence l’arbre de la Basilicate, celui qui donne sa physionomie propre à cette contrée, bien qu’on y rencontre aussi, comme dans les sierras de l’Espagne, le chêne à glands comestibles ; il y est d’un port magnifique, droit et vigoureux de tronc, bien branché, de haute venue, mais nulle part ailleurs je n’ai vu cet arbre épars ainsi dans les champs à la façon des pommiers en Normandie. Ses glands servent à nourrir les porcs, qui sont le principal objet d’élève de la contrée et dont elle exporte la viande sous forme de salaisons. A demi sauvages, les cochons de la Basilicate sont noirs, vêtus de soies épaisses et hérissées ; ils ont presque l’air de sangliers. Mais si cette race indigène n’arrive jamais qu’à un engraissement imparfait par comparaison à celle des casertini à la peau grisâtre et sans poils, que certains propriétaires essaient d’y substituer comme plus avantageuse pour l’éleveur, sa chair passe dans tout le Napolitain pour avoir des qualités de goût exceptionnelles, une saveur sans rivale. Le fumet se rapproche de celui du sanglier sans être aussi accentué. Pour maintenir ce fumet recherché dans la race sans que la domesticité arrive à l’effacer avec le temps, on s’étudie à la renouveler le plus souvent possible par une infusion fréquemment répétée de sang sauvage. Les sangliers sont en grand nombre dans les bois de la Basilicate. Lorsqu’un paysan est parvenu à capturer un marcassin, il l’élève, et cet animal, parvenu à l’âge adulte, sert de reproducteur ; on lui amène toutes les truies du voisinage.

Chaque famille de paysan, vers la Noël, saigne un porc pour sa consommation personnelle et, suivant le nombre des personnes qui la composent, en sale la totalité ou la moitié, qu’elle garde pour manger aux jours de fête. C’est là tout ce qu’en une année elle consomme de viande, avec la chair malsaine de quelques bêtes mortes de maladie qu’on débite dans le village au lieu de les enterrer, comme on devrait le faire hygiéniquement. Autrement la nourriture du contadino de la Basilicate consiste d’une manière exclusive en fromage grossier, frais ou sec, en châtaignes, qui forment dans ce pays comme dans le Limousin le fond de l’alimentation, en glands doux, en légumes secs, pois et fèves, et en quelques légumes frais, tels que choux et tomates. C’est là un régime bien peu fortifiant ; mais l’absence de viande est compensée dans une certaine mesure en ce que le paysan boit du vin assez abondamment. En effet, la vigne réussit sur les pentes bien exposées et y donne des produits de bonne qualité. Les vins de la Basilicate sont moins chargés en alcool que ceux des autres parties de l’Italie méridionale ;