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bien traités, car la vinification est encore ici dans l’enfance, ils se rapprocheraient davantage de ceux de certaines provinces de France. En revanche, l’olivier ne pousse pas dans toute la contrée élevée ; l’huile qu’on y consomme est tirée des faînes qu’on recueille dans les bois. On s’en aperçoit à son goût acre et prononcé.

La veste, le gilet et la culotte ne dépassant pas le genou, qui, avec le grand manteau, remplacé quelquefois par une peau de bique, composent le vêtement du paysan de la Basilicate, sont faits d’une grosse étoffe de laine qui se fabrique dans le pays. On porte ces vêtemens jusqu’à ce qu’ils tombent en lambeaux ; aussi durent-ils une bonne partie de la vie. C’est dans les villages que l’on confectionne, avec la laine et le lin qu’elles ont elles-mêmes filés, les étoffes du costume des femmes, leur jupe de laine bleu foncé, leur corsage noir, leur tablier à rayures, le voile rouge qu’elles posent carrément sur leur tête. Pour la confection de ce voile et de la chemise de l’un ou de l’autre sexe, la grosse toile de lin, plante fort cultivée dans le pays, paraît souvent trop luxueuse et trop chère pour d’aussi pauvres gens. Ils en font une bien plus grossière, qui doit être sur la peau comme un vrai cilice et auprès de laquelle la toile à voile serait une sorte de batiste, avec les fibres du genêt-sparte, qu’ils vont cueillir dans les bois, où il pousse à l’état sauvage. Je ne sais s’il est d’autres parties de l’Europe où l’on fasse encore usage de linge de sparte ; mais je sais que des découvertes positives ont montré que c’était celui dont usaient les hommes du début de l’âge du bronze en Espagne et en Italie.

Le paysan de la Basilicate n’est, dans la grande majorité des cas, qu’un simple ouvrier agricole plongé dans la plus dure pauvreté, vivant misérablement au jour le jour sans qu’un salaire trop minime lui permette d’espérer même d’améliorer sa condition par l’épargne. Ou bien, par le fait, attaché à la glèbe, ou bien allant louer ses bras au loin et habitué ainsi à une vie nomade qui exerce sur lui une influence démoralisante, c’est à peine s’il possède ses instrumens de travail, et pour ainsi dire jamais il n’est propriétaire de la demeure insalubre et insuffisante qu’il occupe dans les bouges infects où la longue insécurité du pays l’a condamné à s’entasser. Car ici, comme en général dans toutes les provinces méridionales de l’Italie, le village tel qu’il existe chez nous est inconnu et, avec le village, le bien-être que donne au paysan. la (vie dans la maisonnette qu’accompagne un petit potager. Les contadini habitent, à la façon de l’Orient, par bourgs de plusieurs milliers d âmes, dont l’agglomération assurait dans une certaine mesure une protection réciproque contre les brigands. Ces bourgs et ces villes, dans une vue de défense, se sont généralement établis