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christianisme. — Le congrès et les législatures d’état ont leurs chapelains, ainsi que la flotte, l’armée et les prisons. On continue à lire la Bible dans la plupart des écoles. Les biens-fonds affectés au service du culte sont soustraits à l’impôt dans une forte proportion. L’invocation à la Divinité est toujours obligatoire dans le serment judiciaire et même administratif. Les lois sur le blasphème n’ont jamais été formellement abrogées. Dans certains états, les tribunaux prêtent la main, tout au moins indirectement, à l’observation du repos dominical. En 1880, une cour a refusé de reconnaître, même comme obligation naturelle, une dette contractée le dimanche, et un voyageur blessé dans un accident de chemin de fer s’est vu refuser des dommages-intérêts, par ce considérant qu’il n’avait pas à prendre le train un jour du Seigneur.

Les réclamations de la ligue trouvèrent de l’écho jusque dans le clergé, parmi les citoyens désireux de réaliser dans toute sa plénitude le principe américain de la séparation entre l’état et les églises. Malheureusement il existe, aux États-Unis comme ailleurs, des esprits ombrageux ou déréglés qui prennent le libertinage pour la liberté, — toujours prêts à confondre la religion et la morale avec les abus d’un régime ecclésiastique condamné par la marche du siècle. Au congrès de la Ligue libérale, tenu à Syracuse en 1878, ces radicaux, mêlés à quelques partisans du libre amour, qui s’étaient glissés dans l’association, trouvèrent une majorité pour inscrire au programme l’abolition totale des lois qui répriment la circulation de la littérature obscène, aussi bien que des publications antireligieuses. M. Abbot, qui avait vain ment cherché à maintenir une distinction entre ces deux ordres de délits, se retira alors de l’association, accompagné dans sa retraite par tous ceux qui sympathisaient avec le mouvement de la « religion libre. » La Ligue libérale essaya de se reconstituer sous la présidence du colonel Robert Ingersoll, le principal apôtre de l’athéisme aux États-Unis, conférencier éloquent et spirituel, un peu superficiel dans ses connaissances, mais d’une moralité hors de contestation. Cette fois encore, dans la session de 1880, les partisans de la liberté absolue firent prévaloir leurs opinions, et le nouveau président suivit l’exemple de M. Abbot. La Ligue ne s’est pas relevée de ce coup.


IV

Au point de vue doctrinal, la « religion libre » part de ce principe que nous avons des sentimens religieux et que ces sentimens doivent être développés en harmonie avec toutes nos facultés intellectuelles et morales, pour le plus grand bien de l’individu et de la société. Elle recommande donc à ses adeptes l’étude scientifique des