pauvreté, même sous l’ancien régime, passe pour proverbiale, presque partout le laboureur ou manouvrier est propriétaire de la chaumière qu’il habite. On estime que la plus modeste, à la fin du XVIIIe siècle, vaut de trois à quatre cents livres, le sol, à la vérité, n’en est ni carrelé ni planchéié, les bestiaux y logent avec la famille, la couverture en est de paille ; mais faut-il donc, de notre temps même, aller si loin dans nos campagnes pour y reconnaître cette modeste habitation rurale ? Le mobilier se compose du lit tout d’abord, « le meuble le plus coûteux de la maison, » et que nous trouvons estimé jusqu’à cent livres dans un contrat de mariage de 1683. Extérieurement, il est fait de poirier, de noyer, « d’antique bois de chêne, » orné de rideaux, en serge rouge, verte ou jaune, à franges de soye ; » intérieurement, les filles, en épousant, stipulent au contrat qu’il sera garni d’un matelas et d’un traversin de plume. Sans doute il n’a pas toujours ni partout ce bel aspect d’aisance et presque de richesse. « Dans les Alpes, nous dit M. Babeau, des sortes de tiroirs placés les uns au-dessus des autres recevaient la literie. » Je crois seulement pouvoir ajouter qu’en dépit de la révolution, au fond de plus d’une province, M. Babeau retrouverait encore ces sortes de tiroirs.
Après le lit, le coffre, ou, chez les plus aisés, l’armoire, l’armoire de chêne, à quatre battans souvent, et dans l’armoire ou le coffre, souvent aussi plus de linge que l’on n’en a dans beaucoup de petits ménages parisiens. Voici l’inventaire du coffre de la femme d’un homme de journée. « Quatre draps de toile de chanvre, — une douzaine de chemises, — une douzaine et demie de serviettes, — une douzaine et demie de coiffes, — deux douzaines de mouchoirs de col et à moucher, — une douzaine et demie de collets de toile, — un corset de toile de basin garni de ses manches, — trois tabliers de toile de chanvre. » Cet inventaire est daté de 1665. Je ne trouve que les mêmes « quatre draps de toile de chanvre, » et seulement trois chemises de plus, dans un inventaire de 1672, qui est celui de l’amie de Molière, Madeleine Béjart, laquelle pourtant laissait une fortune assez ronde. Il n’y a que « neuf mouchoirs » dans l’inventaire de La Bruyère. En revanche, dans l’inventaire d’un laboureur de Picardie, dressé en 1754, je trouve jusqu’à vingt-sept chemises. Les autres pièces du mobilier sont de moindre importance : la table, qui est parfois de « noyer fait à l’antique » et « se tirant par les deux bouts ; » quelques escabelles, ou même vers la fin du XVIIe siècle, quatre et cinq chaises « garnies de paille ; » dans les environs de Paris, assez souvent « un petit mirouer » à bordure de bois noir ; de temps en temps, au-dessus du manteau de la cheminée, de mauvaises images ; enfin, mais seulement sous le règne de Louis XVI, dans quelques maisons, une horloge de bois.