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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/714

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ministre de l’intérieur, n’ont pas paru. Tout s’est borné à quelques réunions et à quelques banquets où l’on a un peu péroré contre le capital, contre la réaction, contre les opportunistes bourgeois, même contre les « républicains radicaux-socialistes qui n’ont rien fait pour le peuple depuis treize ans. » La représentation révolutionnaire qu’on s’était promise a manqué, et, par un phénomène bizarre, depuis ce jour, on n’a plus entendu parler de manifestations, de promenades au Champ de Mars !

Tout est rentré dans l’ordre, les chambres ont pu partir sans craindre de laisser la paix intérieure en péril, et maintenant que le rêve malencontreux d’un nouveau 18 mars est passé, on peut du moins tirer de ces faits d’hier deux conclusions instructives. La première, c’est que ces agitations, provoquées de temps à autre par des meneurs turbulens toujours à la recherche d’une occasion, d’un prétexte, crise industrielle ou révision de la constitution, sont absolument factices. Elles ne répondent assurément ni à l’état général des esprits, ni aux vœux du pays, qui ne demande que le repos ou plutôt le droit de vivre, de travailler dans la sécurité et dans la paix. Elles ne sont pas sans danger puisqu’en se prolongeant ou en se renouvelant, elles pourraient livrer l’opinion fatiguée, excédée et inquiète à toutes les suggestions ; par elles-mêmes elles n’ont encore, à l’heure qu’il est, rien de sérieux, rien de profond, et dès qu’elles paraissent au grand jour, elles sont désavouées par une sorte de sentiment universel, par ces masses dont on parle sans cesse, par l’attitude même de cette population parisienne, qui s’est montrée l’autre semaine indifférente et sceptique pour toutes les manifestations. La seconde conclusion, c’est qu’il suffit d’une résolution un peu ferme pour avoir raison de ces turbulences de secte plus bruyantes que réelles. L’agitation se dissipe et disparaît dès que les agitateurs sentent devant eux un gouvernement décidé à leur imposer le respect des lois et de la paix publique. Il y aurait enfin une dernière conclusion, ou, si l’on veut, une moralité plus générale à dégager de tout ce qui vient de se passer : c’est que ces derniers incidens parisiens ne sont manifestement que le signe d’une situation troublée, affaiblie, altérée depuis plusieurs années, et que de cette situation tout entière naît la nécessité d’un gouvernement capable, non-seulement de montrer de la fermeté devant le péril d’un jour, mais de relever la direction des affaires, de raviver dans le pays une confiance plus qu’à demi éteinte.

Le ministère qui existe depuis un mois est-il ce gouvernement ? Il en a la prétention et il a la confiance en lui-même en attendant qu’il ait celle du pays. Il a conduit sans doute avec dextérité, avec une certaine décision, cette dernière campagne contre les manifestations. Il n’a point hésité à organiser une défense efficace, il a surtout fait sentir qu’il ne reculerait pas devant « ceux qui vivent de l’émeute. » Il a catégoriquement refusé à l’extrême gauche dans le parlement une