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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Il paraissait vraisemblable, il y a quinze jours, que le mouvement de reprise sur les fonds publics, si vivement conduit en février, puis interrompu pendant la première quinzaine de mars par les menaces de désordre dans la rue, serait repris avec vigueur vers la fin du mois, après la démonstration faite par le gouvernement de ne pas laisser se développer l’agitation anarchiste. La fermeté avec laquelle les cours de nos trois rentes se maintenaient au niveau de la précédente liquidation qui avait consacré le triomphe des acheteurs et la complote déroute du découvert, encourageait le public financier dans l’espoir d’une liquidation plus favorable encore à la fin de mars et d’un réveil définitif des affaires et des transactions sur notre marché.

Cette attente a été trompée, et les dix journées qui ont suivi l’avortement des manifestations annoncées pour le 18 mars n’ont amené aucune modification dans la situation générale de notre place. Au contraire, le public est retombé dans les incertitudes et les tendances au découragement, que l’énergique intervention du Crédit foncier contre les vendeurs à découvert avait un instant dissipées. La spéculation s’est agitée sans direction, et les capitalistes, au lieu d’apporter leurs épargnes sur ce marché du comptant, où tant de titres étaient à prendre, ont été amenés par d’habiles manœuvres à craindre pour la sûreté de leurs placemens en fonds publics et à grossir encore le stock flottant en inscriptions de rentes.

C’est la réapparition du spectre de la conversion qui a causé ce désarroi. Un spéculateur disposant de puissans moyens d’action et fortement engagé à la baisse sur le 5 pour 100, a rallié autour de lui ce qui restait de l’armée des vendeurs à découvert, battue le mois dernier, et a repris à leur tête une vigoureuse offensive. Une brochure démontrant l’opportunité et l’urgence de la conversion du 5 pour 100 en 4 1/2 a été lancée contre l’ennemi et a porté aussitôt le désordre dans les rangs des acheteurs et des porteurs de titres. Le bruit s’est accrédité pendant quelques jours que l’opération de la conversion était résolue en principe dans les conseils du gouvernement et préparée dans les bureaux du ministère des finances. La réduction de 35 millions qui en résulterait dans le montant général des intérêts de la dette publique servirait à gager avec les 13 millions laisses disponibles pour cette affectation dans le projet de budget de 1884 un emprunt de 1 milliard.