des accidens physiques qui se perpétuent. Un homme blessé à la main droite engendra plusieurs fils qui avaient un doigt tors comme leur père. M. de Quatrefages a noté chez les Esquimaux cette singularité : comme on coupe la queue aux chiens qu’on attèle aux traîneaux, les petits de ces chiens mutilés naissent souvent sans queue, — Enfin il est inutile, d’entrer dans le détail des maladies héréditaires ; elles sont nombreuses et manifestent sous un triste aspect la régularité des transmissions. — Si, dans cet ordre de fonctions et de phénomènes, il arrive que le semblable ne produise pas toujours le semblable, il faut attribuer ces déviations du type naturel ou de la variété acquise au dualisme des générateurs, ou encore à l’entrecroisement d’autres circonstances dont on a la loi, qui viennent modifier la transmission de ces modes acquis et créer, si je puis dire, certains cas de perturbation normale.
La question est-elle aussi clairement résolue, peut-elle l’être quand il s’agit des phénomènes et des fonctions psychologiques ? Cette faculté de transmission existe-t-elle au même degré pour les caractères intellectuels, affectifs ou moraux ? Selon M. Ribot, la même question doit recevoir la même réponse dans les deux ordres de phénomènes. La vie psychologique n’étant autre chose pour lui qu’un autre aspect de la même activité vitale, elle en subit naturellement les lois. Le principe qu’il cherche à établir, c’est que, dans l’ordre des pensées et des sentimens aussi bien que dans l’ordre des fonctions physiques, l’hérédité est la règle et la non-hérédité l’exception. Tout au plus, en raison de la complexité et de la délicatesse des phénomènes, faut-il faire ici la part plus grande aux causes perturbatrices, déjà invoquées dans l’hérédité physiologique, et qui rétablissent d’une autre manière le règne de la loi, faisant rentrer les exceptions dans la règle par des voies détournées, mais certaines. — Notre dissentiment avec M. Ribot ne porte pas sur tous les points de sa thèse, mais sur un seul. Nous croyons pouvoir établir que, parmi les causes de perturbation qui viennent déranger la succession des modes intellectuels et moraux, M. Ribot a omis la principale, l’énergie spontanée ou acquise du moi, de quelque façon qu’elle se soit produite, qui crée une initiative au milieu des résultats prévus ou à prévoir, les modifie ou les bouleverse. Ce point est essentiel pour comprendre les changemens prodigieux qui viennent déconcerter l’hérédité psychologique et troubler l’ordre de ses transmissions. Nous voudrions le faire sortir de l’ombre où l’école biologique l’a plongé, et le mettre en pleine lumière. C’est ce même problème qu’il y a trois siècles Montaigne posait déjà en termes précis quand il se demandait : « Quel monstre est-ce que cette goutte de semence de quoy nous sommes produits porte en soy les impressions, non de la force corporelle seulement, mais