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REVUE DRAMATIQUE

Gymnase : le Père de Martial, pièce en 4 actes, de M. Albert Delpit.

Je voudrais que le critique, avant de commencer l’examen d’une pièce, indiquât au moins par un signe, par un astérisque ou par une petite croix, à quel ordre appartient l’ouvrage : s’il faut le ranger parmi les confections de théâtre ou parmi les œuvres d’art. Je voudrais qu’un autre signe, placé auprès du premier, avertît si le succès de l’ouvrage intéresse l’avenir des lettres ; s’il convient de saluer l’auteur à la place qu’il occupe et de le quitter là, ou de le pousser encore et de le diriger dans sa voie. Cela fait, l’éloge et le blâme développeraient leurs phrases, mais dans le ton marqué ; l’un et l’autre laisseraient l’ouvrage dans son ordre et l’auteur dans sa classe. Aucun éloge ne pourrait faire qu’un drame passât de l’ordre inférieur dans l’autre ; aucun blâme, qu’il déchût de celui-ci dans celui-là. Aucun éloge n’exalterait plus qu’il ne sied l’orgueil d’un talent déjà noué ; aucun blâme ne rabattrait l’espérance d’un talent qui doit grandir. À ces conditions, même dans ce désarroi où nous sommes, parmi tant de théâtres et tant de pièces, dont les succès divers prouvent si peu de chose, voire de l’aveu des auteurs les plus applaudis ; devant ce public si distrait, si affairé, si mal organisé pour juger des productions de l’esprit, la critique, même dispersée entre tant de journaux, même pressée au point qu’elle doit se réduire presque à la besogne du compte-rendu, pourrait garder encore, avec quelque chance d’être utile aux belles-lettres, quelque chance d’être écoutée.