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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/509

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… Malgré toute l’attention apportée par le gouvernement à la colonisation en Algérie, ce n’est guère qu’à partir de 1842, disait l’exposé des motifs, que cette œuvre longue et difficile a pu devenir l’objet d’efforts puissans et continus… Trois petits villages créés à grand’peine, deux dans la banlieue et un dans la Mitidja, quelques concessions isolées dans le voisinage des villes d’Alger, de Bône et d’Oran, l’établissement de quelques colons dans les villes de Blidah. Coleah et Cherchell, voilà tout ce qu’on a fait et pu faire… De 1842 à 1845, quinze centres, dont une petite ville, ont été fondés dans le Sahel ; vingt-sept étaient créés ou en voie de construction dans la province d’Alger, huit dans la province d’Oran et huit autres également dans la province de Constantine…


Tout en se félicitant des résultats acquis et en témoignant de sa confiance dans la future prospérité des villages en voie de préparation, le ministre de la guerre se demandait « s’il ne conviendrait pas d’établir dans les vides qui séparaient ces centres les uns des autres, non-seulement des concessionnaires riches et dotés de grandes étendues de terrain, mais une colonisation plus forte, plus défensive que la colonisation complètement libre, complètement civile, en un mot une colonisation armée… » Cette colonisation, dans la pensée du maréchal Bugeaud et du général Moline de Saint-Yon, devait être « une véritable avant-garde destinée à se servir du fusil comme de la bêche, une sorte de bouclier pour les établissemens placés derrière elle… Les hommes habitués au métier des armes, continuait le ministre, sont seuls en état de fournir un choix de sujets jeunes, vigoureux, acclimatés, aguerris, énergiques et capables de tenir les Arabes en respect[1]. » Venaient ensuite, dans l’exposé des motifs, des détails circonstanciés sur la meilleure manière d’organiser ce corps de soldats d’élite appelés à devenir des colons modèles, On renonçait à y admettre les libérés du service, parce que l’expérience avait démontré qu’ils étaient en général plus pressés de retourner en France cultiver les terres de leurs parens que de faire valoir celles qu’on leur promettait en Algérie. Les militaires ayant encore trois années à servir sous les drapeaux donnaient plus de garantie parce qu’ils demeuraient assujettis aux règles d’une stricte discipline. Cependant, comme il est difficile de faire de la colonisation avec des célibataires, il leur était octroyé un congé de trois mois au bout desquels ils étaient disciplinairement tenus de revenir en Algérie muni chacun d’une épouse légitime.

  1. Voir l’exposé des motifs du ministre de la guerre, général Moline de Saint-Yon. (Moniteur de 1847, page 420.)