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tout à fait l’amitié des deux familles, qui représente l’intimité des deux nations. Qu’on ne s’y méprenne pas du reste, les journaux à polémiques ambitieuses peuvent seuls parler encore de l’union ibérique. Il ne s’agit de rien de semblable, et dans des toasts qu’ils ont échangés à un brillant banquet du palais de Madrid, les deux rois ont eu soin de dire que l’alliance intime des deux pays ne devait porter aucune atteinte à a leur indépendance et à leur autonomie respectives. » Ce n’est même qu’à ce prix que l’Espagne et le Portugal peuvent s’unir d’une manière vraie et durable. Toutes les fois qu’on a voulu dépasser le but, en essayant de faire revivre la malencontreuse idée de l’union ibérique, ces tentatives stériles ont été suivies d’une recrudescence de jalousie et d’antipathie entre les deux peuples. Dès qu’on paraît des deux côtés vouloir se respecter mutuellement, l’amitié renaît d’elle-même, et dans ces conditions l’union est aussi efficace que naturelle. Le Portugal trouve dans l’alliance espagnole une force pour s’affranchir des influences oppressives qui peuvent le menacer ; l’Espagne à son tour trouve une sûreté dans l’amitié portugaise. Tout est profit pour les deux pays. Les deux rois, les deux gouvernemens paraissent s’inspirer aujourd’hui de cette politique, et c’est ce qui fait précisément que cette visite du roi et de la reine de Portugal à Madrid, suivant à un an de distance le voyage des souverains espagnols à Lisbonne, a sa signification et son intérêt.

La guerre, à ce qu’il paraît, est toujours la guerre, et partout où elle éclate, que ce soit en Europe ou aux extrémités du monde, elle se manifeste le plus souvent par les mêmes violences, par les mêmes abus de la victoire et de la force. Elle a éclaté, il y a cinq ou six ans déjà, entre trois républiques de l’Amérique du Sud, le Chili, la Bolivie et le Pérou ; elle a fini par se concentrer entre les deux principaux adversaires, le Chili et le Pérou. Elle a commencé à propos de contestations de territoires entre des états qui ne peuvent pas même occuper ni surtout civiliser les régions immenses qu’ils possèdent. N’importe, elle n’a pas été moins acharnée. On parle quelquefois des républiques sœurs : en voilà une qui a été occupée pendant plusieurs années à dévorer l’autre. Le Chili, dans ce duel sanglant et démesuré, a eu tous les avantages sur mer et sur terre. Il a battu et pris les navires péruviens, il a brûlé les ports, il a vaincu et dispersé les forces militaires de son adversaire. Il y a deux ans déjà, il est entré les armes à la main dans la capitale du Pérou. Plusieurs fois, des tentatives de pacification se sont produites ; elles ont d’abord échoué. L’armée chilienne est restée dans la république péruvienne comme en pays conquis, et c’est ici que cette guerre d’invasion, désormais inutile, a pris un caractère de meurtrière et impitoyable brutalité. Un des chefs de l’armée chilienne, le ministre de la guerre lui-même, le général Vergara, n’a