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pas à apprendre de grandes et alarmantes nouvelles. Les Anglais, oublieux des éloquentes protestations qu’avait fait entendre lord Chatham à l’époque de la guerre de l’indépendance, avaient de nouveau, dans leur lutte contre les États-Unis, fait appel au concours des tribus indiennes. Un héros de la race sauvage, Tecumseh, avait prêché la guerre sainte contre les blancs, qui voulaient, disait-il, réduire en esclavage la race indienne comme la race noire ; il avait parcouru le pays, accompagné de prophètes qui annonçaient la victoire et qui promettaient aux combattans la protection du grand Esprit. Tué sur le champ de bataille, Tecumseh avait légué à un de ses lieutenans, brave et intelligent, le métis Weatherford, le soin de continuer son œuvre et de venger sa mémoire.

Le 30 août 1813, une troupe de mille guerriers appartenant à la tribu des Creeks et commandés par Weatherford, surprit le fort Mims situé sur les bords du lac Tensaw, dans la partie méridionale de l’état actuel d’Alabama. Ce fort était occupé par cent soixante-quinze volontaires, soixante-dix hommes de la milice, cent six esclaves et un certain nombre d’Indiens alliés des États-Unis ; des femmes et des enfans s’y étaient également réfugiés. Les Creeks massacrèrent la garnison, mirent le feu aux cabanes dans lesquelles s’étaient retirés les enfans et les femmes, et emmenèrent les esclaves.

L’émotion causée dans les états voisins par la nouvelle de ce massacre fut immense : il semblait que ce fût le signal d’une extermination générale des blancs. C’était du moins, si l’on en croyait les esprits les plus calmes, le prélude d’une incursion des Indiens sur le territoire de la Géorgie et du Tennessee. Dépourvu de tout moyen de résistance, le Mississipi, dont l’Alabama faisait alors partie, dut réclamer le secours des états limitrophes. Le Tennessee répondit avec empressement à cet appel. Le 25 septembre, la législature de cet état autorisa le gouvernement à lever 3,500 volontaires en sus des 1,500 déjà enrôlés au service des États-Unis. L’état leur garantissait leur paie et leur entretien dans le cas où le gouvernement fédéral refuserait d’y pourvoir.

Jackson souffrait encore cruellement de sa blessure et n’avait pas quitté son lit. Ceux mêmes qui connaissaient la puissance de sa, volonté et son empire sur lui-même n’osaient espérer qu’il fût de longtemps en état de tenir la campagne. Il veilla cependant à l’exécution des mesures adoptées par la législature, dirigea de loin les préparatifs de l’expédition et adressa aux volontaires une énergique proclamation, dans laquelle il les invitait à s’armer, à se rendre au fort Saint-Stephens et leur promettait de les y retrouver bientôt : « Je regrette, disait-il, qu’une indisposition qui vraisemblablement touche à sa fin, m’empêche de prendre, dès à présent, le