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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/832

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PAULINE DE MONTMORIN
COMTESSE DE BEAUMONT

I.
SA FAMILLE, SA JEUNESSE ET SES PREMIÈRES AMITIES.

Du jour, au lendemain de Corinne, dans cette année 1807, où Mme de Staël réunissait à Coppet tout ce que l’Europe comptait d’esprits supérieurs, un de ses hôtes préférés, M. de Sabran, souleva une thèse qui donna lieu à une de ces conversations fines, vives et brillantes dont l’écho, grâce à une lettre de M. de Barante, est venu jusqu’à nous. Il s’agissait de savoir si les femmes entre elles étaient susceptibles d’une amitié profonde, durable, désintéressée.

Cette spirituelle société s’accordait à dire, avec Thomas, qu’une amie pour l’homme était chose rare, mais que lorsqu’elle se rencontrait, elle était plus délicate et plus tendre ; que s’il fallait désirer un ami dans les grandes occasions, il fallait l’amitié d’une femme pour le bonheur de tous les jours. « Mais, interrompit Sismondi, qui pensait à la comtesse d’Albany, nous sommes convaincus. Revenons aux doutes de M. de Sabran ; il ne croit pas les femmes susceptibles entre elles de la véritable amitié. » La conversation, dont nous n’avons pas les détails, se continuait même pendant le souper, étincelante de saillies, de verve et d’originalité, lorsque Mme de Staël, coupant court aux contradictions, s’écria vivement : « Je crois que vous nous calomniez, messieurs. J’ai admiré et aimé,