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nombre d’années, mises au jour et au clair, sont celles, ou peu s’en faut, de M. Roller. Peut-être a-t-il cru que, pour ce qui regarde la description et l’explication des monumens épigraphiques ou figurés des catacombes de Rome, tout était dit et qu’on ne pouvait que répéter les maîtres et particulièrement le dernier et le plus illustre M. de Rossi, et qu’il n’y avait moyen d’être nouveau qu’en essayant « une synthèse partielle » et en instituant, d’après les données des catacombes, une comparaison entre le christianisme des premiers siècles et les formes principales qu’il a revêtues depuis. L’œuvre en fait paraît aboutir à une polémique anticatholique et à une apologie voilée du protestantisme, c’est-à-dire à quelque chose d’un peu étroit. M. Roller a l’air de se défendre d’une pareille visée quand il écrit : « Il pourrait bien arriver qu’en cherchant bien, les catholiques et les protestans trouvassent que les chrétiens des catacombes n’étaient ni des catholiques au sens moderne, ni des protestans, encore moins des libres penseurs[1]. » Il restera donc seulement à constater entre les deux grandes fractions du christianisme « non pas tant la descendance absolue que le degré de parenté avec les croyans des premiers siècles. » Ainsi réduite, la thèse reste encore frappée d’étroitesse. Pour être dans les nuances, on demeure dans l’infiniment petit des querelles d’école, avec l’inévitable risque ou d’effacer involontairement ce qui gêne, ou d’atténuer encore ce qui est vague et indécis, ou de préciser outre mesure ce qui, dans le langage figuré des peintures ou les larges formules des épigraphes, est nécessairement très enveloppé. Y a-t-il en effet une doctrine et une liturgie dans les catacombes de Rome ? Tout au plus des ébauches et d’indistincts linéamens de l’une et de l’autre, des représentations d’agapes ou de cène, des vœux pour ceux qui ont quitté la vie, des souhaits de repos, de paix, de lumière et de rafraîchissement en Dieu et dans le Christ. Tout cela est presque le seul Credo des catacombes. Autre chose sont les formules et les symboles de foi qui se discutent et s’écrivent ailleurs. Ces voix sorties du cœur, il y a quinze siècles : « La paix avec toi. — La paix dans le Christ. — Vis en paix avec Dieu. — Que Dieu te rafraîchisse, » sont autrement vivantes et touchantes que tous les formulaires. N’y a-t-il pas péril de les dessécher en les analysant ? Les articles délibérés et votés à Nicée par les trois cent dix-huit, — lesquels n’ont pas donné plus d’intensité à la foi religieuse des croyans, — ne sont nulle part écrits sur les parois des catacombes de Rome. Est-ce à dire que

  1. Et dans ses conclusions, au dernier chapitre de l’ouvrage, il écrit encore très justement : « Les catacombes, répétons-le, ne sont ni catholiques ni protestantes. » — L’impression reste cependant qu’il fait effort pour les tirer au protestantisme.