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de dix-sept ans, suivant les fortunes de l’armée huguenote, furent appelés familièrement « les pages de l’amiral. » Les actes officiels du parti portèrent désormais les signatures «  Henry-Henry de Bourbon, » suivies quelquefois de celles de Châtillon et de d’Andelot.


III

Pendant que Coligny demeurait à Saintes, d’Andelot alla faire de nouvelles levées en Poitou. Après une tournée d’un mois, à peine revenu à Saintes, il fut atteint d’une fièvre qui l’emporta au bout de quelques jours. Sa dernière pensée fut une pensée patriotique. Pendant son délire, il disait à son frère : « La France aura beaucoup de maux ; mais enfin tout tombera sur l’Espagnol. » L’amiral cherchait à le calmer : « Je ne rêve point, mon frère : l’homme de Dieu me l’a dit. » La réforme perdit en lui un de ses plus vaillans capitaines ; le courage entraînant, l’expérience militaire de d’Andelot valaient une année. Tout le monde crut qu’il avait été empoisonné : le cardinal de Châtillon, alors, il est vrai, en Angleterre, auprès d’Elisabeth, dont il cherchait toujours à tirer quelque secours, écrivait à l’électeur palatin Frédéric III : « M. d’Andelot, par la machination des papistes, voire des plus grands, a été empoisonné, comme il est apparent, tant par l’anatomie qui a esté faite de son corps après sa mort que aussi par le propos d’un Italien qui s’est vanté, devant ladite mort, à plusieurs, tant à Paris qu’à la cour, d’avoir donné le poison et demandé récompense d’un si généreux acte aussitôt qu’il a veu que la nouvelle en feut sçeue et publiée ; comme pareillement en plusieurs endroits de la France et mesme au camp de Monsieur, frère du roy, il estoit commun, devant que ledit seigneur d’Andelot fût aucunement malade, qu’il debvoit mourir vers le commencement du mois de may. » Le corps de d’Andelot fut transporté à La Rochelle et déposé dans la tour dite de la Chaîne. Catherine de Médicis écrivit à Forquevaux, l’ambassadeur de France en Espagne : « La nouvelle de la mort de Andelot nous a fort resjouys… J’espère que Dieu fera aux autres, à la fin, recevoir le traitement qu’ils méritent. »

Coligny avait eu de grandes inquiétudes sur la marche du duc de Deux-Ponts à travers la France ; l’espérance lui revint quand il sut que les Allemands avaient pris d’assaut La Charité-sur-Loire ; il envoya sans tarder les princes de Navarre et de Condé vers les marches du Limousin ; il alla les rejoindre en personne, et, le 5 jain, il était avec eux à Archiac. De cette ville, il écrivit à Cecil que Jeanne d’Albret, lui-même et quelques seigneurs, avaient envoyé tous leurs bijoux en Angleterre comme nantissement d’un prêt de 20,000 livres sterling. À ce moment même, il apprenait que son