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demandait, ou il croyait le demander, au nom des mêmes principes de justice et d’humanité. Magistrat réformateur quand il attaquait l’ordonnance criminelle de 1670, c’était en qualité de magistrat réformateur encore qu’il s’élevait contre la maxime du président Fabre. L’ancien esprit, l’esprit formaliste et l’esprit de pharisaïsme, parlait en ce temps-là par la bouche des partisans de la recherche de la paternité ; le langage de Servan, au contraire, était déjà celui de l’esprit nouveau, de l’esprit de progrès et de l’esprit de révolution. Le courageux avocat général du parlement de Grenoble était si loin d’invoquer, ici comme ailleurs, avec les vieux conseillers, ce que l’on devait de respect à une législation dont les Séguier, les Lamoignon, les d’Aguesseau s’étaient honorés d’être les instrumens, qu’au contraire, avec tout le parti philosophique, c’était contre eux, contre les d’Aguesseau, les Lamoignon, les Séguier au nom et au profit de l’avenir, qu’il n’hésitait pas à conclure. Et tandis que, si l’on en croit les partisans de la recherche de la paternité, le progrès aujourd’hui serait d’inscrire dans nos lois le droit de l’enfant à revendiquer son père, c’était le progrès, alors, que de solliciter du mouvement de l’opinion publique l’abolition de la recherche de la paternité. « Pour qu’une loi sur la recherche de la paternité produisît de bons effets et contribuât à la moralisation de ce pays, nous dit pourtant M. Dumas, elle aurait dû être promulguée il y a une centaine d’années, avant la création des chemins de fer et des bateaux à vapeur, alors que les Français vivaient par groupes sédentaires, se transportant difficilement d’un point à un autre, restant ainsi sous l’œil de la famille et sous la main de justice. » Mais justement, M. Dumas oublie qu’elle existait alors, cette loi que l’on regrette qui n’ait pas été promulguée ! et les effets en étaient déplorables ! et on l’estimait démoralisatrice ! et les mêmes raisons générales en avaient condamné l’existence, au nom desquelles de nos jours on en réclame le rétablissement ! Si bien que, pour porter, comme dit M. Rivet, « à la source du mal un remède décisif, » et pour aller combattre « les désordres jusque dans leur origine, » on ne nous propose rien moins que de réinscrire dans nos lois les dispositions qui n’en ont disparu que parce qu’elles étaient considérées comme « l’origine des désordres, » et la « source même de tout le mal. » C’est au moins un aspect de la question dont il ne paraît pas que l’on ait fait assez ressortir toute l’originalité. Nous demandons, pour les opposer aux progrès de la démoralisation, des lois qui n’ont été supprimées que parce qu’elles passaient pour un encouragement à l’immoralité. De nombreuses « catastrophes » nous ont rendu a indispensables » des mesures dont jadis de nombreuses « catastrophes » avaient rendu l’abrogation « nécessaire. » Et on nous dit que nous serons