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ce mouvement a été en grande partie commencé et provoqué par les jeunes filles elles-mêmes, qui, par leur empressement à rechercher des examens dont souvent elles ne songent à tirer aucun parti, ont tenu surtout à témoigner de leur curiosité pour l’étude et de leur ardeur au travail. Parmi les jeunes filles qui se présentent pour obtenir le brevet de capacité de l’enseignement primaire, M. Gréard nous apprend que le quart à peine se destine aux écoles ; en supposant qu’il y en ait encore un quart qui se consacre à l’enseignement libre, et pour lesquelles ce brevet soit une garantie et une recommandation, il en reste au moins la moitié qui ne poursuivent autre chose dans l’examen que la constatation officielle des résultats de leurs efforts. Ajoutez-y celles qui recherchent les examens supérieurs (baccalauréat ès-lettres et ès-sciences, doctorat en médecine), et on arrive à cette conclusion que ce sont les femmes elles-mêmes, qui, spontanément, et pour satisfaire à une curiosité légitime, se sont portées aux études. C’est là un symptôme remarquable, que l’état ne pouvait négliger, et dont il s’est heureusement inspiré dans les récentes créations. Pour compléter tous les faits qui témoignent du mouvement d’opinion que nous signalons, rappelons qu’une Revue de l’enseignement secondaire des jeunes filles a été fondée cette année sous la direction de M. Camille Sée, le promoteur et le rapporteur de la loi à la chambre des députés. Avant d’examiner la question en elle-même, résumons d’abord les deux rapports publiés en même temps l’un sur l’enseignement supérieur, l’autre sur l’enseignement secondaire des filles, par le recteur de l’Université de Liège et par le recteur de l’Académie de Paris[1].


I

Le travail de M. Trasenster n’est pas un mémoire, mais un simple discours inaugural prononcé à la séance de rentrée de l’université de Liège : ce discours comprend un grand nombre de faits intéressans et des vues élevées sur l’enseignement supérieur des femmes.

  1. Il ne faut pas que ce même titre de recteur nous trompe ici. Ce titre désigne en Belgique et en France deux sortes de fonctions très différentes. En Belgique comme en Allemagne, une université est un ensemble de facultés formant un corps et s’administrant elles-mêmes. Le recteur est le représentant de l’université, désigné par l’élection de ses collègues pour un temps déterminé. En France, le recteur est un fonctionnaire public, représentant de l’administration, nommé par le pouvoir exécutif pour un temps indéterminé, et administrant, non-seulement l’enseignement supérieur, mais tous les enseignemens à tous les degrés dans une académie, c’est-à-dire dans une circonscription composée de plusieurs départemens. À Paris, il n’y a qu’un vice-recteur, parce que le ministre lui-même est censé être le recteur.