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n’ont jamais pu prévaloir; l’évêque et le philosophe ont triomphé. A partir du XVIIIe siècle, les observations se multiplient, les théories et naturellement aussi les discussions scientifiques commencent à poindre. Le sujet tente même les poètes. Sans parler de l’abbé Delille, un jésuite italien, le père Noceti, chante les aurores en vers latins. Frazier, en 1712, contemple le premier une aurore australe, météore que Cook eut souvent plus tard l’occasion d’apercevoir dans ses voyages à la mer du Sud.

On prétend que, jusqu’à l’année 1716 ou environ, les phénomènes dont nous parlons étaient peu communs en Scandinavie et en Hollande, mais qu’à partir de cette date, ils y devinrent très fréquens. Quoi qu’il en soit, l’attention de plusieurs savans suédois, hollandais, français se fixa dans cette direction, et une découverte capitale se produisit. L’inventeur du thermomètre à échelle centigrade, Celsius, remarqua des affolemens singuliers qu’éprouvaient, sans cause apparente, les aiguilles des boussoles; il étudia de plus près ces perturbations et n’eut pas de peine à s’assurer qu’elles coïncidaient avec des apparitions d’aurores boréales (1741). Hjorter, Suédois, comme Celsius, fit la même remarque à peu près vers la même époque.

Les aurores sont-elles d’origine cosmique ou procèdent-elles d’influences purement terrestres? Cette question, qui, dans le siècle même où nous sommes provoque encore des discussions sans cesse renaissantes, divisa dès l’abord les savans en deux camps. Mairan, érudit à larges idées, peut-être trop hardi dans ses conceptions, mais à coup sûr esprit sagace et ingénieux, se déclara partisan de la nature extra-terrestre du météore, et l’opinion contraire trouva un appui dans Musschenbroek.

Ce dernier, qui est devenu célèbre par ses travaux sur l’électricité et spécialement par la découverte qu’il fit de la condensation[1], émit, sous l’influence encore visible des vieux préjugés du moyen âge, l’hypothèse suivante. Au voisinage des deux pôles et à une médiocre distance de la surface du globe, se trouvent d’immenses réservoirs de matières phosphorescentes. Si quelque fissure vient à se produire, les substances, facilement volatiles, s’échappent et illuminent l’atmosphère de leur éclat. Selon l’auteur hollandais, on peut facilement expliquer la fréquence des aurores dans certaines années; l’ouverture d’une caverne souterraine en est la cause. Une fois la poche vidée, le phénomène doit prendre fin pour quelque temps. Ainsi donc, après l’épuisement des provisions accumulées dans une région donnée, les météores cessent forcément de se

  1. A Leyde, en 1746. De là vient le nom de bouteille de Leyde, qui est resté.