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y en a, — contemplent un ruban très large dans le sens vertical et fort mince dans le sens horizontal ; au contraire, un observateur des hautes latitudes asiatiques ou américaines se trouverait en présence d’une couronne peu épaisse, mais relativement étendue, c’est-à-dire que le développement de notre anneau est à peu près parallèle à la portion de surface terrestre par lui dominée et qu’il ombragerait s’il était opaque.

Les objections ici s’offrent d’elles-mêmes et se pressent en foule. Pourquoi nul avant M. Nordenskiöld n’avait-il remarqué ce météore très singulier à coup sûr? Un observateur placé près du pôle des aurores boréales, ou, si l’on veut, près du pôle magnétique, puisque, en définitive, il est probable qu’ils se confondent, devrait apercevoir un cercle lumineux complet faisant le tour de l’horizon. Or aucun navigateur n’a rien encore contemplé de pareil.

Toutes les difficultés sont levées, grâce aux réponses si claires et si simples de M. Nordenskiöld. L’arc lumineux, dit-il, n’est qu’une sorte de résidu de phénomènes plus brillans et plus complexes; il ne faut donc guère espérer de le voir, sauf dans les années où les aurores sont faibles, c’est-à-dire dans les années à minima, comme il arriva précisément en 1878-1879. Le plus ordinairement, l’accessoire masque le principal, de même qu’on ne saurait contempler les fondations d’un édifice encore debout. La lueur n’est pas forte, nous l’avons déjà dit : non-seulement le jour et le crépuscule l’effacent, mais le simple clair de lune la rend invisible. Il va sans dire que si le ciel est charge de brumes, tout disparaît, mais la seule vapeur d’eau contenue dans l’air éteint la clarté de l’arc ordinaire si ce gaz est à trop forte dose. Il faut donc que l’observateur soit favorisé par un temps sec et froid ; si le thermomètre marque plus de degré, il est inutile d’explorer le firmament. Ainsi, les côtes de la Norvège, assez chaudes grâce au Gulfstream et passablement humides, sont dans de mauvaises conditions. Presque toutes les autres régions d’où l’anneau peut être aperçu ne sont que de tristes solitudes.

En second lieu, un spectateur qui serait placé près du pôle des aurores ne verrait absolument rien, car l’horizon lui cacherait la vue du météore, de même qu’un Saturnien qui n’aurait jamais quitté les hautes régions boréales ignorerait l’existence de l’anneau. Voilà donc une réponse géométrique et indiscutable à la deuxième objection proposée. Notre observateur, s’éloignant du pôle des aurores et marchant au sud magnétique, finirait par distinguer dans cette dernière direction un arc s’élevant par degrés sur l’horizon. Toute une ceinture, assez large d’ailleurs, est dominée, c’est le mot, — par la couronne, qui est alors voisine du