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imposées aux maîtresses, par les écoles normales qui doivent les former et qui sont aujourd’hui en pleine activité, enfin par l’esprit de l’Université qui a depuis longtemps la pratique des études élevées.

Que si le conseil s’est tenu en garde contre une certaine exagération dans la rédaction, des programmes de l’enseignement des filles, c’est qu’il avait devant les yeux l’excès qui, depuis le commencement de ce siècle, s’est produit dans l’éducation des garçons. Chaque régime, chaque gouvernement, chaque ministère est venu à son tour accroître le champ de l’enseignement dans nos lycées. Ceux qui crient le plus contre les excès des programmes sont les premiers à demander un petit accroissement, comme dans la discussion du budget tout le monde réclame des économies et finit par la demande d’un crédit. On est maintenant suffisamment averti pour ne pas tomber sciemment dans la même faute, et c’est avec raison que le conseil a dû s’en tenir au strict nécessaire.

Le conseil a également été très préoccupé de donner à ce nouvel enseignement un caractère essentiellement féminin. Non-seulement les travaux de couture y occupent une place importante ; mais de petits enseignemens d’économie domestique et d’hygiène, si appropriés au rôle des femmes dans la maison, ont été organisés : ce seront plutôt des conversations familières que de véritables cours ; on amusera les élèves en les instruisant. On a même été, sur la proposition d’un des membres les plus illustres du conseil, jusqu’à introduire des notions de cuisine, afin que le bonhomme Chrysale n’ait plus à se plaindre qu’on lui brûle son rôt ou qu’on ne lui sale pas son potage.

Ce qui paraît avoir provoqué le plus d’objections contre l’institution nouvelle, c’est l’introduction des sciences dans l’éducation féminine. Eh quoi ! ’s’écrie-t-on, nos femmes sauront la chimie, la physique, la cosmographie ! Il nous semble que ce n’est pas là une chose bien nouvelle et bien extraordinaire. On a toujours plus ou moins enseigné dans les institutions et dans les pensions quelques élémens des sciences. La cosmographie en particulier est une science qui, au moins dans ses élémens, convient très bien aux femmes : c’est pour elles que Fontenelle écrivait son charmant livre de la Pluralité des mondes. Il y a ici deux préjugés à combattre : le premier, c’est que les sciences ne font pas partie de la culture générale de l’esprit ; le second, c’est que cette sorte de culture convient aux hommes et non aux femmes. Ce sont là deux erreurs. Il est impossible aujourd’hui de limiter la culture d’un esprit élevé aux connaissance littéraires. La connaissance générale des lois de la nature et des méthodes prodigieuses, quoique simples, par