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lesquelles on les a découvertes, ouvre aujourd’hui à l’esprit des perspectives d’admiration aussi hautes et aussi nobles que Virgile et Sophocle. Outre la grandeur théorique de ces connaissances, la grandeur pratique de la science dans l’histoire de la civilisation est un fait devant lequel il n’est pas permis d’être aveugle ; et se borner à un étonnement stupide devant ces nouveaux miracles sans chercher à les comprendre n’est pas digne de l’homme. Il faut donc se faire une idée nouvelle de la culture de l’homme distingué dans les temps nouveaux. S’il en est ainsi, en vertu du principe si souvent mentionné, qu’il ne faut pas un trop grand écart entre l’instruction des hommes et celle des femmes, on admettra que la femme ne doit pas rester étrangère à ce qui intéresse si vivement son mari et ses enfans. Tout dépend du degré. Or nous croyons que, dans le plan d’études, la limite la plus modeste n’a pas été dépassée. En effet, une heure par semaine de géométrie en troisième année, une heure de cosmographie en quatrième année, voilà pour les mathématiques (sauf l’arithmétique), ce qui est strictement obligatoire. Une heure par semaine de physique pendant trois ans, une heure de chimie pendant les troisième et cinquième année ; une heure d’histoire naturelle pendant quatre ans : voilà pour les sciences physiques et naturelles. Il n’y a rien là d’exagéré : un degré au-dessous, il n’y aurait plus rien. Si maintenant on compare, dans son ensemble et dans ses proportions, l’enseignement littéraire avec l’enseignement scientifique, on trouve que les sciences, dans leur totalité, ne forment pas le tiers de l’enseignement littéraire (15 heures contre 55), et il y a en outre la couture, le dessin, la musique, l’économie domestique, qui sont des travaux essentiellement féminins, de sorte que, si on les compte, les sciences n’occupent pas le quart de la totalité des études ; encore plaçons-nous dans ce quart l’arithmétique, qui est d’un usage absolument indispensable, et qui prend elle-même le quart du quart. Voilà à quoi se réduit ce débordement de sciences que l’on a dénoncé !

Il est clair, d’ailleurs, que nous ne sommes qu’au début de l’institution. Il n’y a encore que des plans : l’édifice commence à peine à s’élever. Ce sera à l’expérience à prononcer. Mais ce qu’il est permis de demander, c’est que cette expérience ne soit pas troublée par des préventions systématiques. Il n’y a rien à attendre des partis, ni rien à leur demander. Mais les esprits éclairés, sages, impartiaux, qui forment le fond d’une société et qui considèrent beaucoup plus les choses que l’étiquette, seront frappés des faits et des raisons que nous avons résumés ; et, bien loin de s’opposer au succès de cette expérience hardie, mais sage, ils l’appuieront de tous leurs vœux en l’aidant et en l’éclairant. Pour nous, nous n’avons