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qui, au XVIe siècle de notre ère, commença en 1552 la publication d’une compilation nouvelle, le Pen-ts’ao-knng-mou, qu’il termina au bout de vingt-six ans de travail, en 1578. Il écrivit jusqu’à trois fois le manuscrit de cet ouvrage avant d’en être satisfait et mourut avant de l’avoir publié. Cet honneur fut réservé à son fils, qui présenta l’ouvrage à l’empereur en 1596 et obtint immédiatement l’ordre (nous dirions l’autorisation) de l’imprimer. Or, le Pen-ts’ao de Li-chi-tchen, la plus grande autorité qu’il y ait en fait de botanique chinoise, commence par le Chemmung-pen-ts’ao-king, c’est-à-dire par le Pen-ts’ao de l’empereur Chen-nung, Il ne faut pas sans doute s’étonner si, au travers de tant de copies et d’une telle suite d’années, l’œuvre de ce botaniste archaïque s’est altérée quelque peu, si elle a subi des suppressions ou des interpolations. L’œuvre homérique elle-même n’a pas échappé à de tels accidens. Mais il n’est pas plus permis de douter de l’existence de Chen-nung que de celle d’Homère : la vénération des Chinois est, pour le premier, la même que celle des Grecs pour le second, et dans un pays où tout repose sur la tradition, l’une des principales préoccupations de chacune des dynasties qui ont passé tour à tour sur le trône paraît avoir été de se retremper dans la source divine où puisait le fondateur de la monarchie, en s’identifiant avec son nom et son œuvre par une édition nouvelle du Pen-ts’ao, édition qui prenait une valeur politique en même temps qu’une valeur médicale, et qui affermissait la dynastie dans l’estime et dans le respect de ses sujets.

Il faudrait ici que nous pussions mettre sous les yeux de nos lecteurs la représentation de quelqu’une des illustrations des Pen-ts’ao chinois. Heureusement il y a peu de personnes qui n’aient eu l’occasion d’examiner de ces peintures du Céleste-Empire, figurant des fleurs et des animaux, avec quelques caractères expliquant leur nom avec leurs usages. On connaît ces images un peu grossières, dépourvues assurément de netteté dans les détails et de perspective dans l’ensemble, qui ont pourtant une valeur incontestable aux yeux du naturaliste. On s’est plaint, non sans raison, qu’elles ne suffisent pas pour la détermination scientifique. Il est évident qu’il ne faut pas attendre des naturalistes chinois la précision qu’en Europe nous avons de la peine à obtenir d’un dessinateur spécial : ce qu’on peut seulement exiger d’eux, c’est une représentation qui permette de reconnaître. À ce point de vue, les planches de leurs encyclopédies se divisent en deux catégories. Tantôt ils dépeignent un objet d’après le ouï-dire, sur des récits parfois un peu merveilleux ; la planche, en ce cas, n’a pas plus de valeur que celle qui, dans le fameux exemplaire illustré du Dioscoride de notre Bibliothèque nationale, nous montre un sapin sortant du chapeau d’un champignon.