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de poèmes mythologiques analogue aux Causes ; mais Rhianus osait s’inspirer d’Homère, profondément étudié, et composait sur la seconde guerre de Messénie une épopée considérable, à la fois historique et merveilleuse. Il est curieux de voir ainsi reparaître cette grande question de l’épopée au moment où on la croit tranchée par les mœurs et par le temps. L’épopée ne peut se résoudre à périr, ou plutôt l’esprit humain ne se résigne pas à s’avouer sa déchéance ni à croire que ces belles formes créées par le vigoureux élan de sa jeunesse aient définitivement disparu. Telle était la vitalité que lui avait communiquée à sa naissance le souffle d’Homère, qu’elle se trouvait encore plus forte que Callimaque et tous les gens d’esprit de son école.

Ce qui le montre bien, c’est que Callimaque lui-même sentit le besoin de composer avec ses adversaires, ou du moins de faire un effort d’un genre nouveau pour les réduire au silence. Ils lui reprochaient sa faiblesse d’invention et son incapacité de faire un poème de longue haleine : il voulut leur prouver qu’ils se trompaient et il écrivit aussi une épopée. C’est ce poème d’Hécalé, dont il a été question. Le sujet se rapporte à un exploit de Thésée ; mais il ne semble pas que le côté héroïque y ait été le côté dominant, et, en somme, malgré cette prétention nouvelle, le poète restait fidèle à ses habitudes. Au lieu d’entrer dans la grande tradition des légendes épiques, il prenait un mythe peu connu, presque une anecdote locale. Hécalé était une vieille femme des environs de Marathon qui avait reçu Thésée sous son humble toit le soir qui précéda le combat contre le taureau, était morte avant le retour du héros vainqueur, et avait été honorée d’un culte en souvenir de sa pieuse hospitalité. On voit tout de suite quels effets particuliers, quelles descriptions, quels contrastes, quels tableaux de genre trouvaient place dans le développement de ce thème. Le poète s’était inspiré du récit de l’hospitalité d’Eumée dans l’Odyssée et plus encore de l’idylle épique où Théocrite encadre et dépeint la lutte d’Hercule contre le lion de Némée. Pour faire saisir quel était le ton qui régnait dans la plus grande partie, il suffira de rappeler que la fable de Philémon et Baucis dans Ovide est une imitation de l’Hécalé. Le succès de Callimaque fut très grand, et, en lisant dans M. Couat une restitution très ingénieuse et très sensée, on est porté à croire que cette œuvre de sa vieillesse fut sa meilleure. Elle ne le classa point parmi les grands épiques, ce qui n’était peut-être pas son ambition ; mais elle mit définitivement au-dessus de toute contestation un talent si fin et si achevé. Désormais il put se flatter d’avoir enfin triomphé de l’envie, et il n’hésita pas à l’affirmer dans l’épitaphe qu’il prit soin de composer pour lui-même.

Apollonius, de son côté, obtint de grandes compensations au mé-