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Bert, qui est un des chefs de cette majorité « puissante et homogène » dont a parlé M. le ministre de l’intérieur, qui a été appelé ces jours derniers à présider un des principaux groupes de la chambre, voici M. Bert qui prend la parole, il ne veut pas, lui, qu’on parle d’un « abîme, » et comme le nouveau président de l’Union républicaine est un réaliste de la politique, il appelle cet « abîme » un « fossé ! » Il ne veut pas qu’il y ait de « fossé « entre les républicains. Il ne se refuse pas à maltraiter ou à laisser maltraiter les exaltés du radicalisme et même à les exclure du pouvoir, à la condition pourtant qu’on les ménage, qu’on les considère comme une avant-garde un peu impatiente dont les vœux peuvent être « prématurés » sans cesser d’être « légitimes. » Plus que jamais, d’ailleurs, il est pour la politique de secte, et il ne connaît de vrai républicain que « le démocrate anticlérical. » C’est le refrain invariable ! Après quoi, M. Paul Bert, qui se pique d’être un bon ministériel, couronne sa harangue en ajoutant : u Les actes antérieurs et les déclarations récentes du gouvernement nous donnent la certitude qu’il apprécie comme nous les exigences de la situation. » De sorte qu’on en revient toujours à cette question : Où est la vérité ? Qui représente cette majorité « puissante et homogène » que M. le ministre de l’intérieur glorifiait l’autre jour ? Est-ce le gouvernement, avec ses déclarations de guerre au radicalisme extrême ? Est-ce M. Paul Bert, avec ses étroites et âpres passions de sectaire, avec le programme qu’il prétend imposer au cabinet, et qui ne serait que la continuation du « pacte de condescendance ? » A qui restera le dernier mot ?

Rien certes de plus fier que le langage de M. le ministre de l’intérieur répétant après M. le président du conseil que « le premier soin d’un grand pays doit être de constituer un gouvernement durable, ayant une politique très claire, ne demandant point l’existence et la durée à des combinaisons éphémères, disant nettement ce qu’il veut et ce qu’il entend faire. » M. Waldeck-Rousseau en parle bien à l’aise, et il résout la question par la question. L’embarras est justement de créer « ce gouvernement durable » dont il parle, qui n’a été jusqu’ici que dans des mots, et la difficulté du problème n’est pas seulement dans une majorité dont M. Paul Bert représente pour le momeut une des fractions, elle est peut-être aussi dans le minisière qui aurait à se mettre d’accord avec lui-même, à conformer plus souvent ses actions à son langage. Les ministres parlent, multiplient les harangues, déclarent la guerre au radicalisme, c’est fort bien ; cela prouve qu’ils ont le sentiment de la gravité croissante de la situation, qu’ils ont fini par comprendre le danger d’un système d’agitation, d’imprévoyance et de faiblesse qui a tout compromis, qui a préparé peut-être de redoutables crises. En réalité cependant, que font-ils pour résoudre le problème dont ils se montrent si préoccupés dans leurs discours, pour rendre