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produits correspondant au développement des ressources individuelles, si le revenu collectif est la rémunération légitime d’une activité féconde, l’équilibre se maintient, les prix ne varient pas.

Ces faits constituent un axiome qui n’a pas été suffisamment éclairé par les théoriciens de l’économie politique, et cependant les conséquences de cet axiome sont d’une portée considérable à plusieurs points de vue[1].

La question à l’étude en ce moment, celle de l’enchérissement de toutes choses, exige que l’on totalise par un chiffre la force du revenu national, c’est-à-dire la puissance d’achat avec laquelle la nation, prise dans son ensemble, aborde les élémens innombrables de ses consommations. Il n’y a pas malheureusement de constatation officielle, de renseignemens précis et authentiques pour servir à l’établissement exact de ce chiffre, et d’ailleurs les deux élémens du calcul, les ressources collectives et la quantité effective des produits, sont par leur nature mobiles et variables. Ils se modifient d’année en année; il faut donc procéder par des approximations appliquées à une période restreinte; mais, dans le domaine illimité des conjectures, on peut trouver une méthode qui approche autant que possible de la vérité.

Le dénombrement de 1876, qui ne paraît pas avoir été beaucoup modifié par celui de 1881[2], a donné lieu à une publication officielle où la population est classée par professions. Ce document énumère, en séparant les deux sexes, les propriétaires et chefs d’industrie, les commis, employés et ouvriers, hommes de peine et domestiques, avec la famille à leur charge. J’ai subdivisé ces groupes en catégories assez nombreuses pour que les estimations partielles laissent peu de place à l’erreur. Par exemple, dans le domaine agricole, j’ai compté à part la propriété très grande, grande, moyenne, petite, en tenant compte du produit industriel et de la rente foncière; puis les fermiers et métayers, propriétaires d’une

  1. Une objection sera faite : on dira que la cherté est spéciale et non générale, qu’elle résulte pour chaque objet de la rareté plus ou moins grande, des besoins plus ou moins pressans qu’on a, de la demande p’us ou moins active. Je réponds : Il peut bien arriver que certains produits en quantité insuffisante sur le marché obtiennent une large augmentation de prix, mais la dépense plus forte faite par le consommateur de ce côté sera composée par une moindre dépense sur d’autres articles. Les sacrifices pour le pain en temps de disette réduisent d’autant les autres achats. La dépense de chaque famille reste au total proportionnée à ses ressources et les résultats d’ensemble n’affaiblissent pas la démonstration du principe.
  2. Le classement professionnel résultant du dénombrement de 1881 n’est publié officiellement que depuis peu de jours. Il n’est pas sans intérêt d’ailleurs que les calculs consignés ici se rapportent à la période où l’enchérissement s’est développé avec le plus d’intensité, c’est-à-dire de 1875 à 1881.