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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/621

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dès les premières années du IXe siècle, et, de fait, plus on étudiera, plus se montreront en vive lumière les traces de l’influence profonde et durable que Charlemagne a exercée aux lieux saints. — Quand Jérusalem fut tombée au pouvoir des infidèles, en 1187, la communauté de Josaphat se transporta en divers lieux de la terre-sainte, et finalement au monastère de Sainte-Madeleine de Messine, que lui avait donné, plus d’un siècle auparavant, le roi Roger II de Sicile. Les soixante pièces que M. Francois Delaborde a réunies et habilement expliquées (dans le dix-neuvième fascicule de la Bibliothèque des Écoles d’Athènes et de Rome) forment, avec le Cartulaire du saint-sépulcre publié par M. de Rozière, une des séries les plus importantes que nous possédions sur l’histoire intérieure du royaume de Jérusalem. Elles ajoutent beaucoup de noms utiles au catalogue des Familles d’outre-mer laissé en manuscrit par Du Cange et publié de nos jours par M. E. Rey[1]. Elles nous instruisent à la fois sur les conditions de la propriété foncière en Palestine et sur les possessions de l’abbaye en Sicile et en Calabre. La publication de M. François Delaborde répond exactement ainsi au programme de recherches indiqué par M. Riant.

Une troisième sorte d’enquête dont M. Riant a eu l’initiative et, jusqu’à présent, le principal mérite, consiste dans une recherche exacte et un examen critique de ce qu’il appelle les Lettres historiques des croisades[2]. Il est clair que ces grandes expéditions n’étaient pas entièrement livrées au désordre. Il y avait un plan, un chef suprême, qui était le pape, d’autres chefs, religieux ou laïques. Il y avait toute une administration financière et militaire, dont on verra peu à peu la Société de l’Orient latin nous rendre l’histoire. N’est-il pas évident a priori que chacune de ces entreprises a dû faire naître un grand nombre de correspondances écrites, bulles et messages de la cour de Rome, lettres circulaires, dépêches diplomatiques, bulletins officiels, épîtres publiques ou privées, contenant des récits de témoins oculaires, des narrations légendaires

  1. M. E. Rey vient de publier tout récemment sous ce titre : les Colonies fresques de Syrie aux XIIe et XIIIe siècles, une étude des institutions politiques, civiles, militaires du royaume latin de Jérusalem et, des principautés franques d’Antioche, d’Edesse et de Tripoli. Il a recherché quelles ont été les relations, très souvent amicales, de cette société franco-syrienne avec les indigènes chrétiens ou musulmans. C’était écrire une page inconnue de notre histoire nationale et préparer l’œuvre difficile d’un tableau général des croisades. M. E. Rey, qui s’occupe depuis vingt ans avec succès de ces études orientales, a multiplié ici les informations originales et neuves. — M. Prutz, en Allemagne, vient de publier sous ce titre : Culturgeschichte der Kreuzzüge, un résumé très complet de ce qu’on sait aujourd’hui sur les résultats généraux des croisades.
  2. Voir son volume ainsi intitulé, et, pour ce qui précède, ses deux volumes des Exuviœ sacrœ C, P., avec son mémoire sur les Dépouilles religieuses de C. P.