Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que l’humidité pouvait y pénétrer, — que la poudre enfermée dans une capacité trop étroite était souvent écrasée, mais inégalement, d’où résultaient des irrégularités dans sa combustion, — que cette poudre était trop vive, — que le lubrificateur employé prenait trop de place dans la cartouche, mais qu’il n’en occupait pas assez dans l’âme du canon, et qu’il y laissait un vent préjudiciable à la justesse, — que les dispositifs employés en vue de diminuer l’emplombage avaient précisément pour effet de le produire, — que la balle, trop libre dans la chambre, pouvait s’introduire de travers dans l’âme au lieu de s’y engager normalement et qu’il arrivait, en conséquence, qu’elle en sortît dans une mauvaise direction, — que...

Mais il suffit : on n’en sortirait pas s’il fallait énumérer tous les graves défauts qu’on a trouvés réunis en la cartouche. Aussi le modèle primitivement adopté en 1874 a-t-il été complètement modifié en 1880, et, depuis cette époque, il a subi de nouvelles améliorations. Au contraire, l’Angleterre n’a rien eu à changer à son armement depuis son adoption, parce que, au moment où elle l’a refait, elle s’est attachée à en développer au plus haut degré les qualités balistiques. Pour y arriver, on a confié les études à deux commissions distinctes dont l’une ne devait étudier que le mécanisme de culasse, la commodité de chargement, la facilité du démontage et de l’entretien, etc., l’autre n’ayant à s’occuper que de ce qui constitue la puissance balistique de l’arme, c’est-à-dire du canon avec ses rayures, et de la cartouche. Après avoir travaillé séparément, les deux commissions ont rapproché leurs résultats et associé leurs efforts pour arriver par la combinaison d’un mécanisme excellent, d’un canon excellent, et d’une cartouche excellente, à un type qu’on s’accorderait à trouver parfait s’il n’avait été construit en vue d’une armée d’élite, armée permanente, sans réservistes, composée de volontaires vigoureux et résistans.

C’est même à cause du caractère particulier de leur recrutement que les Anglais ont eu à s’occuper de donner au tir beaucoup de tension et de justesse. On sait la différence qu’il y a entre les armées modernes, dont l’Allemagne fournit le plus remarquable spécimen, et celles d’autrefois, que l’Angleterre est à peu près la seule à représenter aujourd’hui. Personne n’a oublié les luttes de M. Thiers, partisan du service à longue durée, et du général Trochu, partisan de sa réduction : ici, la quantité; là, la qualité. Le tir « en qualité » ne peut convenir qu’à des troupes exercées et triées ; le tir « en quantité » est la ressource des hordes plus ou moins disciplinées et plus ou moins aguerries que fournit le système des milices, des gardes nationales, des réserves. Il est assez naturel que les puissances continentales adoptent cette pratique. Il était encore plus naturel que, par-delà la Manche, on cherchât à s’assurer le