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une école, car les sœurs de Marie-Auxiliatrice sont munies de brevet, — cela se dit ainsi, — et enseignent. Dans leur école libre, il y a un internat et un externat ; j’ai vu les dortoirs, qui sont aérés, et les classes, qui sont vastes. Les écolières sont de tout âge ; les grandes se promènent dans le jardin avec la tranquillité un peu factice de jeunes filles qui veulent ressembler à des femmes ; les petites jouent dans le préau, courent après les canards, appellent vainement les pigeons, et regardent respectueusement les dindes, dont le bec ne les encourage pas aux familiarités. Il paraît que l’école est très sérieuse et qu’elle n’a jamais eu de défaillance aux examens de l’Hôtel de Ville ; du moins on me l’a raconté, je le répète de confiance. L’école est « payante, » excepté pour les élèves qui ne peuvent payer, et c’est ainsi, je le dis en passant, que devrait être entendue la gratuité dans toutes les écoles, aussi bien dans celles qui ont chassé le Christ que dans celles qui l’invoquent.

Au-delà du jardin, lorsque l’on a traversé le pavillon dont j’ai parlé, on pénètre dans une cour qui donne accès à la rue de La Tour-d’Auvergne. Là, une maison assez vaste dont la distribution a été utilisée au mieux est consacrée à une institution que l’on pourrait nommer l’asile des femmes seules, et qui se divise en trois « sections » différentes. La première est réservée à des femmes veuves ou isolées qui, n’ayant qu’une fortune modique, sont obligées de se réduire à un minimum dont l’existence, si coûteuse à Paris, ferait du dénûment si les prodiges d’économie opérés par les sœurs ne leur permettaient pas d’en faire presque du confortable. Il faut l’art des femmes et surtout des religieuses pour tirer parti d’une pension mensuelle plus que médiocre, et répondre à des besoins qui parfois ont quelque exigence. Ce quartier des dames pensionnaires ressemble à une Abbaye au bois en miniature. Tout y est propret ; on voit que l’œil des supérieures y regarde souvent ; les chambres sont chaudes, bien meublées ; il y règne une sorte d’atmosphère à la fois douce et triste, comme si celles qui habitent là vivaient repliées sur elles-mêmes, s’entretenant avec leurs souvenirs et s’absorbant dans les choses du passé.

La seconde section ne ressemble en rien à la première ; elle s’ouvre sur l’avenir, le protège et parfois l’assure. C’est là, en effet, que l’on accueille les institutrices sans position et qui sont en quête d’une « éducation à faire. » Pour celles-là, plus encore peut-être que pour d’autres, le danger de l’isolement, à Paris, est redoutable ; jeunes pour la plupart, souvent jolies, parfois obligées de soutenir une famille besogneuse, elles sont exposées à bien des tentations et même à bien des tentatives. J’ai côtoyé dans ma vie beaucoup de ces pauvres filles qui, dans bien des cas, sont