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Au nombre des proscrits figurait l’archevêque de Prague, qui avait prêté son ministère au sacre de Charles VII, comme roi de Bohême. Il était assez naturel que Marie-Thérèse, venant elle-même pour ceindre à son tour la couronne, ne voulût pas la recevoir, à un an de distance, des mêmes mains que l’usurpateur et faire ainsi prendre, aux yeux des peuples, à une cérémonie sainte l’apparence de la répétition d’une comédie. Mais sa répugnance pour le rôle qu’elle devait y jouer elle-même se manifesta encore par d’autres traits. Rien ne lui plaisait, ni les rites auxquels elle devait se prêter, ni même le costume qu’elle devait revêtir. A chaque détail nouveau qu’on lui donnait : « C’était bien mieux en Hongrie, » disait-elle. — Afin d’en finir plus tôt, elle ne donna que quatre jours pour faire les préparatifs, et, comme on lui faisait observer que le dimanche qu’elle avait choisi étant le lendemain d’un jour de jeûne et les portes de l’église s’ouvrant de très bonne heure, ceux qui voudraient y trouver place n’auraient pas le temps de prendre leur repas avant de s’y rendre : « Il n’y a pas de mal à ce qu’ils fassent maigre, » dit-elle. Évidemment l’idée de mêler un peu de pénitence à la fête lui agréait assez. Quand on lui fit essayer la couronne qu’elle devait porter, elle la trouva incommode et disgracieuse : « Elle est plus lourde que celle de Hongrie, dit-elle ; elle ressemble aux bonnets que portent les fous. » Son humeur ne se rasséréna que quand elle put voir dans les regards de la foule immense qui la contemplait que, malgré quelques défections passagères, la masse populaire gardait encore pour la fille de ses rois un dévoûment héréditaire. L’affluence ne fut ni moins grande ni moins touchante à la réception qui suivit, et plus d’un, en baisant sa main, la mouilla des larmes de son repentir. Satisfaite de ces hommages, la reine retrouva sa grâce accoutumée et assista de bonne humeur à un grand bal qui lui fut donné ; l’hôte, à la vérité, était un des seigneurs qui lui étaient restés fidèles : elle n’aurait pas mis le pied chez un autre. La nouvelle, arrivée ce jour-là même, d’un succès obtenu par le prince Charles de Lorraine en Bavière acheva de dissiper les dernières traces de son mécontentement.

Ses vœux, en effet, étaient exaucés et le terrible jeu des combats allait recommencer. Ne pouvant ni vaincre ses résistances ni se refuser à ses réclamations, le cabinet anglais, après bien des hésitations et des lenteurs, se décida enfin à agir. Il y était poussé d’ailleurs, presque contraint, par le mouvement de l’opinion publique anglaise, toujours très belliqueuse et très fortement déclarée en faveur de Marie-Thérèse. L’opposition parlementaire, formée des anciens amis de Walpole et des nouveaux mécontens que, dans des temps de parti, tout ministère rencontre devant lui au bout d’un an