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insurrection superficielle, une révolution sans portée. Quel champ ouvert encore à la philosophie de l’avenir ! Sans renier aucune de ses convictions, on peut admettre ingénument que le monde ne finit pas avec nous. Ce n’est donc nullement dans la pensée d’enrayer le travail puissant, quoique confus, de la pensée actuelle (entreprise d’ailleurs aussi inutile qu’absurde) ; ce n’est pas par lassitude d’une pensée vieillie que nous avons cru devoir réclamer les droits du passé. C’est, au contraire, parce que nous avons une foi profonde et de plus en plus vive en la philosophie, que nous avons voulu que justice fût rendue à tout le monde, et surtout au principal maître de la culture philosophique de notre siècle.


III

Victor Cousin n’a pas été seulement un philosophe ; il a été aussi lin littérateur. Quelques-uns même disent qu’il n’a été que cela. On peut apprécier la valeur de ce jugement après la longue étude à laquelle nous nous sommes livré. Ce qui est certain, c’est le goût et le talent de Cousin pour la littérature proprement dite. Il avait fait de brillantes études littéraires. A sa sortie de l’École normale, il était resté deux ans le répétiteur de Villemain, dont il avait été l’élève. Devenu suppléant de Royer-Collard, il se livra alors exclusivement à la philosophie, et nous ne l’avons vu faire aucune diversion à ces études pendant les quinze années de la restauration. Il en fut de même dans les premières années du règne de Louis-Philippe. Son premier essai dans la pure littérature fut son écrit sur Santa-Rosa, en 1838, le premier travail qu’il ait donné à la Revue, dont il devint depuis lors et jusqu’à sa mort le fidèle et infatigable collaborateur. C’est dans la Revue et dans le Journal des savans, pendant les trente dernières années de sa vie, que, peu à peu détourné de la philosophie proprement dite, il se livra aux études littéraires et historiques qui allaient devenir pour son talent l’occasion d’un si brillant rajeunissement. L’article sur Santa-Rosa fit grande sensation ; c’est, en effet, une des plus belles choses qu’il ait écrites ; sa plume s’était en quelque sorte amollie et attendrie au souvenir de cette amitié de jeunesse, qui avait jeté un instant un rayon de poésie dans une vie dure et laborieuse. C’est surtout en 1840, à partir de ses études sur Pascal, que le goût et même la passion de la littérature, de la langue et du style s’empara de lui et le détacha de plus en plus de la philosophie. Dès lors, le nombre de ses travaux purement littéraires va toujours croissant. En voici le résumé : Rapport sur la nécessité d’une nouvelle édition des Pensées de Pascal (1842) ; — la Jeunesse de Madame de Longueville (1852) ; . — la Marquise de Sablé (1854) ; — la Duchesse de