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n’avaient pas eu précédemment pour défenseur le plus illustre des orateurs de cet état.

Mais l’heure était venue d’examiner ces théories en elles-mêmes et de rappeler les véritables principes de la constitution. Pouvait-on, sans méconnaître ces principes, attribuer aux législatures des états le droit d’apprécier la constitutionnalité des mesures prises par le gouvernement fédéral et de les annuler lorsqu’elles les jugeraient inconstitutionnelles ? « Je reconnais, dit Webster, le droit qui appartient au peuple de réformer son gouvernement, et je lui reconnais également le droit de résister à des lois inconstitutionnelles sans renverser ce gouvernement. Mais je soutiens que l’on ne saurait admettre le droit pour un état d’annuler une loi votée par le congrès, si ce n’est en vertu du droit inaliénable de résister à l’oppression, c’est-à-dire en se plaçant sur le terrain de la révolution. J’admets qu’il y au-dessus et en dehors de la constitution un remède suprême et violent auquel on peut recourir dans ces cas extrêmes où une révolution peut se justifier. Mais je n’admets pas que, sous l’empire de la constitution et en conformité avec elle, il y ait un procédé quelconque qui permette au gouvernement d’un état, comme membre de l’Union, d’intervenir et d’entraver par ses propres lois la marche du gouvernement général, dans quelque circonstance que ce soit. » Quelles sont, en effet, les origines du gouvernement fédéra ! ? Quelle est la source de son pouvoir ? Il n’a pas été créé par les états, mais par le peuple ; il a été fait pour le peuple ; il est responsable devant le peuple. C’est le peuple des États-Unis qui a décidé que la constitution serait la loi suprême, et si les états sont souverains ils ne le sont que sauf les restrictions apportées à leur souveraineté par cette loi suprême. On soutient que le tarif viole la constitution et qu’un état peut annuler la loi qui l’établit. Mais cette loi, qu’un état annulera, l’état voisin la respectera ; l’un acquittera les droits, l’autre s’y refusera. Si, en dehors des états particuliers, il n’existe pas une autorité chargée de résoudre ces questions, que restera-t-il de la constitution ? La Nouvelle-Angleterre a été, à une autre époque, cruellement atteinte dans ses intérêts par l’embargo ; elle a cru, avec ses plus éminens légistes, que cette mesure était inconstitutionnelle ; mais elle n’a pas un seul instant songé à faire trancher cette question par les législatures des états. Elle l’a soumise aux tribunaux des États-Unis et elle s’est inclinée devant la décision qui lui a été contraire. La constitution a, en effet, tout prévu. Elle a attribué certains pouvoirs au congrès ; elle a imposé aux droits des états certaines restrictions. Elle a en même temps institué une antiquité chargée d’interpréter en dernier ressort les dispositions qui règlent ces attributions de pouvoirs et ces restrictions. Elle déclare, d’une part, que la constitution et les lois des États-Unis, faites