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en vertu de cette constitution, seront la loi suprême du pays nonobstant toute disposition contraire de la constitution ou des lois des états particuliers, et elle reconnaît, d’autre part, que le pouvoir judiciaire est compétent pour statuer sur toutes les contestations relatives à l’application de la constitution et des lois des États-Unis. Ces deux dispositions sont la clé de voûte de l’édifice constitutionnel. Le jour où, à cette autorité unique chargée d’assurer le respect de la constitution, on aura substitué vingt-quatre assemblées populaires, dont chacune pourra statuer à son gré, sans souci de la décision des autres, et dont chacune pourra modifier, à chaque élection nouvelle, son mode d’interprétation de la constitution, ce jour-là, il n’existera plus ni constitution ni gouvernement. Mais les nullificateurs n’ont pas supposé sans doute que le gouvernement de l’Union accepterait sans résistance la mise en pratique de leurs théories. Il s’élèvera donc un conflit que la force seule pourra trancher. L’extrémité fatale à laquelle conduiront les tentatives de nullification, ce sera la guerre civile.

« Je puis me rendre cette justice, dit Webster en terminant, que, dans le cours de toute ma carrière, j’ai eu constamment en vue la prospérité et le bonheur du pays, et le maintien de notre union fédérale. C’est à cette union que nous devons notre sécurité à l’intérieur, notre considération et notre dignité au dehors… Nous ne l’avons conquise que par notre discipline et par les vertus que nous avons apprises à la rude école de l’adversité. Elle est née de la nécessité à laquelle nous avaient réduits le désordre de nos finances, la destruction de notre commerce, la ruine de notre crédit. Sous son heureuse influence, nous avons vu renaître tout à coup ces grands intérêts, et nous les avons vus reprendre une vie nouvelle… Elle a été pour nous tous une source abondante de bonheur national, social et individuel. Je ne me suis pas permis de jeter mes regards au-delà de l’Union pour pénétrer les obscurités de l’avenir qui pourrait nous être réservé. Je n’ai pas pesé froidement les chances qui pourraient nous rester de conserver notre liberté après la rupture des liens qui nous unissent aujourd’hui,.. et je ne saurais considérer comme un sage conseiller pour notre gouvernement celui qui, au lieu de se préoccuper uniquement des moyens de conserver l’Union, chercherait comment on pourrait rendre tolérable la condition du peuple le jour où l’Union aurait été détruite et anéantie. Tant que durera l’Union, nous aurions devant nous, pour nous et pour nos enfans, d’heureuses et brillantes perspectives. Au-delà, je ne puis soulever le voile qui nous cache nos destinées. Dieu veuille que ce voile ne se lève pas de mon vivant ! Dieu veuille que l’avenir qu’il nous cache n’apparaisse jamais à ma vue ! Lorsque, pour la dernière fois, mes yeux s’élèveront vers le ciel pour y contempler la lumière du jour, puisse-t-elle ne pas éclairer