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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/339

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Toutes les mesures que prennent alors les empereurs pour le bien des écoles montrent à la fois l’intérêt qu’ils leur portent et le désir qu’ils ont de les placer, autant que possible, sous, leur autorité immédiate. C’est ce qu’il est aisé de voir à propos de la Domination des professeurs. Jusqu’au IVe siècle, il a régné beaucoup d’arbitraire et d’incertitude dans la manière dont les professeurs étaient choisis. Pour les chaires que les empereurs avaient fondées et qu’ils entretenaient à leurs frais, il ne pouvait pas y avoir de doute : ils avaient évidemment le droit de désigner ceux qui devaient les occuper ; mais ce droit, ils l’exerçaient de diverses façons. Il leur arrivait de s’en dessaisir et de le déléguer à des personnes de confiance : c’est ainsi que Marc Aurèle chargea son ancien maître, Hérode Atticus, de pourvoir aux chaires de philosophie qu’il avait instituées à Athènes. Quelquefois le choix était remis à une commission de gens éclairés qui faisaient paraître devant eux les candidats et leur proposaient quelque sujet à traiter, ce qui donnait naissance à des concours véritables. Souvent aussi l’empereur nommait directement lui-même. Philostrate rapporte que les sophistes d’Athènes, qui tenaient beaucoup à « s’asseoir sur le trône », comme on disait, faisaient le voyage de Rome, et que, du temps de Sévère et de Caracalla, comme ils connaissaient l’importance de l’impératrice Julie, ils essayaient de se glisser dans le cortège de géomètres et de philosophes dont elle aimait à s’entourer : avec la protection de la savante princesse, ils étaient sûrs de l’emporter sur leurs rivaux. Quant aux professeurs payés par les villes, c’étaient naturellement les villes qui les nommaient. Il est assez vraisemblable que les décurions prenaient l’avis de gens capables de bien juger, mais le choix leur appartenait. Il fallait, suivant l’expression officielle, que le professeur fût approuvé par un décret du conseil : decreto ordinis probatus, et, s’il ne rendait pas les services qu’on attendait de lui, le conseil qui l’avait choisi pouvait le destituer. Mais ici encore nous voyons intervenir de bonne heure le pouvoir impérial. Sous prétexte que les fonctionnaires publics se forment dans les écoles et qu’il est de l’intérêt général qu’ils y reçoivent une bonne éducation, il se croit autorisé à choisir les maîtres qui les élèvent. C’est un droit que personne ne lui conteste, et quand Eumène fut appelé par Constance Chlore à diriger l’école d’Autun, les habitans ne songèrent qu’à remercier le prince du souci qu’il voulait bien prendre pour eux. Cependant cette intervention de empereur devait être rare ; en réalité, c’étaient les villes qui choisissaient presque toujours les maîtres de leurs écoles, le prince ne s’en occupait que par exception. Julien fut le premier qui établit à ce sujet une règle fixe. Il avait un grand intérêt à le faire. Par un édit célèbre, il venait de défendre aux chrétiens d’enseigner dans