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l’attention, parce qu’elle est la principale de nos industries, c’est l’agriculture. L’agriculture ne peut pas payer les salaires que les ouvriers trouvent à gagner dans les villes, qu’ils trouvaient au moins hier, et elle est délaissée. Qu’on parcoure les départemens voisins de la capitale, qu’on aille même plus loin, et on verra qu’il y a aujourd’hui beaucoup de fermes à louer, beaucoup de terres à vendre et qui ne trouvent pas de preneurs même avec des rabais considérables. Sans doute, les causes qui font souffrir l’agriculture sont multiples; on pourrait en intriquer plusieurs, mais une des principales, au moins dans les environs de Paris, est l’élévation du prix de la main d’œuvre. On ne peut pas faire travailler au prix que demande l’ouvrier.

Cette situation a eu la conséquence qu’elle devait avoir ; les travaux sont arrêtés un peu partout et on traverse une crise. On a voulu nier cette crise; elle est cependant très évidente. Je n’en prends pas pour preuve seulement les plaintes qui s’élèvent de divers côtés, ces plaintes sont peut-être exagérées; j’interroge d’autres symptômes plus significatifs. L’octroi, à Paris, ne rend déjà plus ce qu’il donnait l’année dernière; les revenus indirects ont été pour le mois de janvier seulement de 8 millions 1/2 au-dessous des prévisions et de 4 millions 1/2 inférieures à celles de l’année dernière. Les recettes des chemins de fer sont en décroissance depuis assez longtemps sur les périodes correspondantes ; enfin notre commerce extérieur, déjà en diminution à la fin de l’exercice précédent, et descendu de 556 millions en janvier 1883 à 434 millions en janvier 1884; c’est une réduction de 131 millions ou de 23 pour 100.

On a beaucoup discuté pendant huit jours au corps législatif sur la crise et sur les moyens de venir en aide aux ouvriers qui en souffrent particulièrement; on n’a rien trouvé d’efficace, et on a fini par nommer une commission de quarante-quatre membres pour étudier la question; elle tient aujourd’hui ses assises et les prolongera plus ou moins longtemps. Que peut-elle faire? Rien ou à peu près rien. Essaiera-t-on de créer des travaux plus ou moins utiles avec le concours de l’état et celui des municipalités? Ce serait un mauvais précédent, et il ne guérirait pas le mal. Quand une crise arrive et qu’elle est le résultat d’une production trop grande, ou de spéculations mal engagées, il n’y a qu’une chose à faire, c’est d’attendre que la liquidation ait lieu, que les maisons construites en trop grand nombre trouvent des locataires ou passent dans des mains qui puissent les garder, que l’état cesse ses grandes dépenses et enfin que le prix de la main-d’œuvre s’abaisse. Alors les choses pourront reprendre leur cours naturel et l’activité industrielle renaîtra. Mais si l’on demande au gouvernement d’intervenir, on trouble