Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/825

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La compagnie achetait des actions et elle en vendait peu : elle espéra attirer les acheteurs en leur offrant des marchés à prime, en s’engageant (le 9 janvier) à fournir, dans les six mois, des actions avec les dividendes de l’année, à raison de 11,000 livres, moyennant une prime de 1,000 livres. Depuis que Law avait le premier employé cette forme de marché, qui se prête si bien aux spéculations, l’agiotage s’en était emparé et faisait concurrence à la compagnie : elle s’en fit attribuer le monopole par un arrêt du 11 février.

Les rentiers ne se pressaient pas de demander leurs remboursemens : ils hésitaient à acheter des actions et ne pouvaient remplacer les rentes qui les faisaient vivre par des billets qui ne produisaient aucun revenu. Mais, comme ces retards paralysaient le développement du système, il leur fut prescrit de recevoir avant le 1er avril les fonds remis aux payeurs : passé ce délai, ces fonds seraient reportés au trésor pour être remboursés plus tard, ainsi qu’il serait ordonné. Cette menace ayant produit peu d’effet, les rentiers furent informés que les rentes de ceux qui n’auraient pas voulu ou pu recevoir leurs remboursemens avant le 1er juillet seraient réduites à 2 pour 100 (arrêts des 12 janvier et 6 février) : cette injonction rigoureuse en détermina un grand nombre à retirer leurs capitaux et à en chercher ailleurs l’emploi.

Le paiement des actions achetées par la compagnie et les remboursemens aux rentiers s’effectuaient en billets ; les 360 millions autorisés le 29 décembre furent épuisés à la fin de janvier, et il fallut permettre à la banque, le 6 février, d’en émettre encore pour 200 millions, ce qui porta ses émissions à 1,200 millions. Ce développement de la circulation fit accroître les faveurs accordées aux billets : pour compléter la disposition qui, le 22 décembre, leur avait accordé une prime de 5 pour 100, les contribuables qui acquitteraient en billets les droits dus aux fermes générales furent exemptés des 4 sols par livre qu’ils avaient à payer en sus du principal; il afin, dit l’arrêt, de favoriser de plus en plus les billets et de soutenir la préférence qu’ils méritent dans le commerce. » Mais dans la lutte qui s’établit entre la monnaie fiduciaire et la monnaie métallique, il ne suffit pas de favoriser les billets, il faut poursuivre, tourmenter, proscrire même l’or et l’argent. Pendant toute l’année 1720, les variations monétaires sont incessantes : le cours des espèces est tantôt élevé et tantôt abaissé, sans qu’on les refonde ou qu’on les réforme. Il ne s’agit plus, comme pendant les deux dernières guerres de Louis XIV, de chercher dans la réforme ou la fabrication des espèces un bénéfice pour le trésor, mais uniquement de faire préférer le billet au numéraire.

Le 15 janvier, la réduction déjà ordonnée de 1 livre sur les louis et de 4 sols sur les écus est prorogée à la fin de février,