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qui seront supprimées et des moyens de prêter à l’état 1,500 millions ; il devra donc être pourvu autrement au remboursement des rentiers. La compagnie demande un supplément à ses actionnaires pour faire rentrer des billets qu’elle rendra à la banque et pour diminuer ainsi la dette énorme qu’elle a contractée envers cet établissement : c’est dans le même dessein qu’il lui est enjoint d’user des autorisations qui lui ont été données d’émettre pour 10 millions d’actions rentières et à millions de rentes viagères dont le roi reste garant (arrêt du 5 juin).

Cependant Law était autorisé à penser que d’Argenson n’était pas resté étranger à la résolution prise, le 29 mai, par le régent, de lui faire demander sa démission : il était difficile que la rentrée en faveur de l’ancien contrôleur-général n’entraînât pas la disgrâce du garde des sceaux. En effet, Dubois fut chargé, le 7 juin, d’aller redemander à d’Argenson les sceaux, et le lendemain ils furent rendus à d’Aguesseau, qui, retiré à Fresne depuis le mois de janvier 1718, avait conservé le titre de chancelier. Toutefois on s’étonna que ce fût Law lui-même qui allât le chercher, oubliant et voulant sans doute faire oublier les graves dissentimens qui les avaient séparés.

Cette espèce de crise ministérielle retarda de quelques jours les mesures qui devaient compléter l’arrêt du 3 juin. Le remboursement de la dette publique et la création d’actions nouvelles avaient été, en 1719, les deux grands ressorts du système. Le nombre des actions vient d’être réduit, il faut renoncer au remboursement de la dette. Un édit du 10 juin crée 25 millions de rentes nouvelles, au denier 40 (2 1/2 pour 100), au capital de 1 milliard, qui ne pourront être acquises que par les propriétaires des contrats dont le remboursement a été ordonné et par les porteurs de récépissés du trésor ou de billets de banque représentant les rentes qu’ils avaient précédemment. Le parlement, avant d’enregistrer l’édit, ne manqua pas de faire remarquer qu’il était injuste de rendre aux rentiers des rentes 2 1/2 pour 100 en remplacement des rentes 4 pour 100 qu’ils possédaient : le régent répondit, comme le gouvernement de Louis XIV en 1713, et comme tous les gouvernemens qui réduisent arbitrairement les arrérages de la dette publique, « qu’il valoit mieux avoir 2 1/2 pour cent régulièrement payés, que la promesse de 5 qui ne pourroient être acquittés par le trésor. » Ces 25 millions de rentes étaient constitués sur l’Hôtel de Ville, et l’éloignement de Paris, où se touchaient leurs arrérages, pouvait détourner les habitans des provinces de les acquérir. Quelques semaines après (édit d’août), « pour leur commodité, » 8 millions de rentes nouvelles furent constituées sur les recettes générales. On créa aussi, en même temps, sur l’Hôtel de Ville,