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malgré toutes les injonctions qui leur avaient été faites, avaient conservé leurs rentes; d’autres les avaient échangées au Trésor contre les récépissés dont ils n’avaient pas encore touché le montant à la caisse de la compagnie, ne sachant comment employer leurs capitaux; d’autres encore avaient accepté en paiement soit des actions, soit des billets, soit des actions rentières ou des rentes viagères créées par la compagnie, soit même les nouvelles rentes que l’état venait d’être obligé de reconstituer. Les autres créanciers de l’état, pour finance d’offices ou d’augmentations de gages supprimés, ou pour toute autre cause, se trouvaient dans la même situation. Il fallait, avant tout, chercher et réunir tous les élémens qui permettraient de dresser le compte de cette masse énorme de valeurs, dont on ne connaissait ni le montant, ni les détenteurs : elles avaient jeté la confusion jusque dans les fortunes privées, et les différentes conversions commencées, sans être terminées, répandaient l’obscurité sur chaque nature de dettes.

Avant d’entreprendre de débrouiller ce chaos, La Houssaye jugea qu’il était plus urgent de rattacher au contrôle-général les services financiers qui avaient été concédés à la compagnie. Il reprit donc la régie des recettes générales et il résilia le bail des fermes générales, ainsi que le traité passé pour la fabrication des monnaies (arrêt du 5 janvier 1721) : la compagnie conserva la ferme des tabacs, mais momentanément, et le bail en fut aussi résilié le 29 juillet 1721.

Ce ne fut pas avant le 24 janvier que le contrôleur-général se trouva en mesure de proposer au conseil de régence un plan complet pour le règlement de la liquidation des affaires de la banque et de la compagnie[1] : ces questions, qui intéressaient tant de personnes, et qui agitaient la foule, avaient une importance qui donna à la séance du conseil une solennité particulière. Après une délibération prolongée, mêlée d’incidens personnels dont Saint-Simon a perpétué le souvenir, deux arrêts importans furent adoptés, et ils furent publiés le 26.

Le premier ordonne de représenter, dans le délai de deux mois, à Paris par-devant des commissaires du conseil, et dans les provinces par-devant les intendans et leurs subdélégués, tous les effets tant du roi que de la compagnie, dont on est propriétaire, savoir :

  1. On sait que, pour tout ce qui concerne cette liquidation et les longues opérations qu’elle exigea, La Houssaye fut conseillé et même dirigé par les frères Paris, et surtout par Paris-Duverney, que leur opposition à Law et au système avait fait éloigner de Paris et qui venaient d’être rappelés de l’exil. Toutefois l’influence des Paris, hostile à la compagnie, fut tempérée par les puissans appuis qu’elle conserva et qui parvinrent à la faire reconstituer comme société privilégiée de commerce.