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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/108

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qui rendent de considérables services à la population pauvre de Paris, remonte donc à la Société philanthropique ; c’est à elle, en outre, que l’on doit le développement de l’enseignement primaire, l’organisation de l’assistance judiciaire, la création des sociétés de secours mutuels, des écoles du soir pour les adultes et l’idée première des crèches. Elle semble avoir pris à tâche d’être la tutrice des malheureux et elle persiste à bien mériter de Paris, dont elle est un des plus infatigables instrumens de charité. Veut-on savoir ce que ses seuls fourneaux ont distribué pendant l’année 1883 ? 2,376,168 portions.

Nous avons tous remarqué que certains courans d’idées se produisent en même temps, ayant l’air de s’engendrer les uns les autres et nés cependant de combinaisons individuelles qui n’ont eu aucun point de contact. Pendant que l’Hospitalité de nuit ouvrait, rue Tocqueville, son premier dortoir pour les hommes, la Société philanthropique, sur l’initiative de M. Nast, un de ses membres les plus actifs, cherchait à créer des asiles de nuit pour les femmes. Sans s’être concertées, deux œuvres charitables avaient eu la même pensée et lui donnaient un corps. L’ancienne ferme de Monceaux avait été inaugurée le 2 juin 1878 ; le premier asile de femmes fut inauguré le 20 mai 1879, sous la présidence du comte de Mortemart. La maison n’est pas luxueuse ; elle est située au numéro 253 de la rue Saint-Jacques : porte bâtarde, couloir étroit, jardinet en boyau, murailles en plâtras, toiture à réparer ; c’est une vieille masure. Cela ne me déplaît pas. La charité est ingénieuse et tire parti de tout : les Petites-Sœurs des Pauvres accommodent les rogatons pour nourrir les bons petits vieux et les bonnes petites vieilles ; la Société philanthropique utilise une construction fatiguée de son grand âge pour abriter des femmes éperdues qui, sans elle, risqueraient de dormir à la laide étoile. Cela est bien ; la première vertu de la bienfaisance doit être l’économie, qui lui permet de s’étendre sur un plus grand nombre de malheureux. Avant d’être prise à bail par la société, la maison était une sorte d’école, ou plutôt de garderie d’enfans, si misérables qu’ils ne vivaient que de la charité des voisins. Jamais la directrice, aussi dénuée que ses élèves, n’avait payé son terme ; on ne la tourmentait guère, car l’immeuble appartient au domaine de l’Assistance publique. C’est vraiment le bien des pauvres. Quelque délabrée que soit la maison, elle a de la valeur, le terrain qu’elle occupe est presque vaste, la superposition de quatre étages y crée des logemens assez spacieux ; le jardin donne de l’air et du soleil ; aux enchères elle se vendrait une centaine de mille francs ; un loyer de 4,000 francs n’aurait rien d’excessif. L’Assistance publique se trouvait en présence d’une société qui