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ébauchées échappent en quelque sorte au regard; cela est peut-être pittoresque, mais ce n’est certainement pas sculptural.

Le hasard, qui n’est pas toujours aveugle, a voulu que la statue du général Chanzy fût placée tout à côté de la Défense de la patrie. C’est cette mâle figure qui représente vraiment la défense de la patrie. M. Croizy a sculpté le général en tenue de campagne et a mis dans sa main l’épée qu’il n’a jamais rendue. Les traits sont suffisamment ressemblans, l’attitude est simple et énergique. Le bronze affinera le galbe un peu lourd et colorera de sa patine les surfaces trop planes de la pelisse d’uniforme. Falconet a écrit : « Le but le plus digne de la sculpture est de perpétuer la mémoire des hommes illustres. » A voir le nombre des statues iconiques, il semble que les sculpteurs contemporains partagent le sentiment de Falconet. Sans parler du Juvénal glacé de M. Combarieu et du Shakspeare auquel M. Aube a donné l’expression et l’attitude d’un clown, voici le Christophe Colomb, de M. Guilbert, le Mirabeau, de M. Granet, le Beaurepaire, de M. Maximilien Bourgeois, le Rouget de l’Isle, de M. Steiner, le colossal Béranger, de M. Doublemard, l’Ingres, sanglé dans sa redingote, de M. Oudiné, le Diderot débraillé, de M. Lecointe, et le Victor Hugo ossianesque, de M. Bogino. Ces figures ne sont ni sans mérites ni sans défauts; presque toutes ont d’ailleurs le caractère décoratif qui convient aux statues destinées à être vues de loin, des quatre coins de la place publique. Grâce à sa physionomie plus cherchée et mieux exprimée, à son attitude moins conventionnelle, à sa facture plus détaillée et plus précise, la George Sand, de M. Aimé Millet, pourrait aussi être placée dans un musée ou dans un foyer de théâtre. On en pensera autant du Beaumarchais, de M. Allouard. La tête est vivante, la bouche va lancer le mot. Par l’élégance du costume et la désinvolture de l’attitude, le sculpteur a montré, avec une parfaite intelligence du personnage, l’homme de cour dans l’homme de lettres. Beaumarchais a la plume à la main, mais il porte l’épée au côté. L’exécution est large. Il semble que M. Allouard ait appris dans les ateliers du XVIIIe siècle l’art de chiffonner le drap et la soie et de donner au vêtement le jet sculptural de la draperie.

Le monument élevé à Duban se compose du buste de bronze de l’architecte posé sur une console de marbre que soutient un génie sans attributs caractérisés. M. Guillaume, qui est l’auteur de cette œuvre sévère, expose en outre un buste de J.-B. Dumas tout à fait remarquable par la ressemblance des traits, la vivacité de l’expression et l’art de la facture. Mme la duchesse de Palmella a sculpté d’une main savante et virile un terme de Diogène; ce bronze serait bien placé dans quelque parc, au croisement de