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avons d’être ingrats envers nous-mêmes, la valeur de ce qui a été fait jusqu’aujourd’hui : on a fait beaucoup et l’on a marché dans la bonne voie. Mais il s’en faut que nous touchions au but, et il reste à faire plus que nous n’avons fait. D’abord la construction et l’aménagement des bâtimens ne sont pas terminés. Dans la plupart des facultés des sciences, l’insuffisance des laboratoires fait rougir ceux qui ont admiré l’installation magnifique des laboratoires étrangers. L’état de presque toutes les facultés des lettres est misérable; il en est où les professeurs sont réduits à se succéder pour leurs cours dans une ou deux pièces ; ils n’ont pas un cabinet pour recevoir les élèves ; ceux-ci n’ont pas une salle qui puisse leur servir de lieu d’étude ou de réunion; les bibliothèques ne peuvent admettre de lecteurs, n’ayant pas de place pour les livres. Mettra-t-on des universités dans des villes qui logent si misérablement les facultés’? Fera-t-on l’université de Lyon, tant que le doyen de la faculté des lettres pourra dire « qu’elle ne sait où recevoir les étudians, où faire passer ses examens, où loger ses livres? » tant que la faculté de droit sera reléguée, pour parler comme son doyen, « dans un vieux bâtiment, à l’extrémité de ruelles étroites et infectes, dans lesquelles les étrangers doivent vraiment hésiter à s’engager, et que les Lyonnais ne connaissent même pas de nom? » Encore le vieux bâtiment n’appartient-il pas à la faculté. Elle est « entassée dans des greniers, » au sommet « d’escaliers sombres et humides, aux murailles imprégnées de toutes les eaux qui découlent des terrasses supérieures, escaliers si longs, si rudes à gravir qu’on a le temps nécessaire pour y gagner quelque refroidissement dangereux. » Fera-t-on l’université de Nancy tant que les laboratoires y seront si médiocres et que les facultés n’auront point une bibliothèque où ranger les quelques centaines de volumes dont elles disposent? Ne serait-ce pas aller au-devant de l’humiliation d’une comparaison avec l’université voisine de Strasbourg, installée dans un palais, possédant une bibliothèque riche de 500,000 volumes, et pour laquelle l’économe Allemagne a, sans hésiter, dépensé 11 millions? Avant de parler d’universités, il faut donc savoir si l’on a dressé le devis des dépenses qui restent à faire et si l’on est résolu à y pourvoir. Les villes voudront-elles s’imposer de nouveaux sacrifices? L’état, pour leur venir en aide, trouvera-t-il les 40 millions qui semblent nécessaires pour achever ce qui est commencé? M. Fallières, ministre de l’instruction publique, à qui M. de Fourtou reprochait, dans la séance du sénat, le jeudi 24 janvier 1884, l’indifférence de l’état pour l’enseignement supérieur, a nié cette indifférence en rappelant les progrès accomplis, mais il a dû confesser que les besoins de l’enseignement supérieur ne sont pas satisfaits; il a prononcé à la tribune le chiffre de 40 millions de francs nécessaires pour donner