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à nos facultés « un outillage qui lui permette de rivaliser avec l’étranger. » Enfin, il s’est engagé à répartir cette somme en plusieurs budgets et s’est fait fort de la bonne volonté du parlement. Le parlement ne démentira-t-il pas le ministre? A défaut de crédits nouveaux malaisés à trouver, fera-t-il participer, comme l’a proposé M. Berthelot, l’enseignement supérieur à la caisse créée pour subvenir aux constructions des maisons d’école et des lycées? La dépense prévue à l’heure qu’il est pour les constructions (le lycées et de collèges est encore de 80 millions; elle est de 716 millions pour les écoles : les pouvoirs publics voudront-ils faire dériver de ce Pactole un maigre filet de 40 millions? Voilà ce qu’il faut savoir avant toutes choses et la première des questions préalables qu’il convient de poser. A la Sorbonne, on a construit, en attendant la réédification, des baraques en bois, et la faculté des lettres possède quelques salles décentes qui peuvent soutenir la comparaison avec les classes d’une bonne école de chef-lieu de canton ; mais des facultés de province peuvent aujourd’hui encore regarder avec envie les écoles communales. Ne vaut-il pas mieux retarder l’institution d’universités, tant que dureront ces misères, que de les rendre plus visibles et plus déplorables en les affublant de la pompe d’un grand nom? Pauvreté n’est pas vice, à moins qu’elle ne s’enfle d’orgueil et n’enveloppe ses guenilles d’un manteau doré.

Bien d’autres questions préalables sont à résoudre, et nous allons en énumérer quelques-unes.

Le gouvernement est-il décidé à ne s’inspirer jamais que des intérêts du haut enseignement lorsqu’il instituera des universités? Établira-t-il qu’une université ne peut exister que là où les quatre facultés sont réunies, non pas seulement dans un même ressort, comme dit la circulaire ministérielle, mais dans la même ville, de sorte qu’un train, même rapide, entre Douai et Lille, entre Aix et Marseille, ne soit pas réputé suffisant pour faire de deux tronçons un corps? Aura-t-il assez d’énergie pour vaincre les résistances de Douai et celles d’Aix, condamnées à perdre leurs facultés le jour où l’on voudra doter d’universités la Flandre et la Provence? Le gouvernement est-il résolu à ne jamais concéder à une ville, quelque importunes que soient les sollicitations de son maire et de ses députés, une faculté de droit ou une faculté de médecine, de façon à compléter le système et à créer, au cours d’une période électorale par exemple, une université, sans se préoccuper de savoir si cette faculté nouvelle sera capable de vivre ? Ne sacrifiera-t-il jamais l’apparence à la réalité ni l’intérêt de la science à des ambitions de clocher?

Le gouvernement comprendra-t-il que, l’enseignement supérieur