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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/950

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Dans ces cas-là, on parle. Vous m’auriez dit : Je voudrais en être; je vous aurais répondu : C’est impossible ! » Une drôlerie si imprévue, si simple, et si naturelle surprend le rire; et lorsqu’on a ri plusieurs fois de la sorte, on est presque désarmé.

Il faut dire aussi que M. Coquelin aîné est exquis dans le rôle de Chantelaur, trop exquis peut-être : une étoffe un peu grossière supporte mal ces broderies de la diction. M. Coquelin cadet fait Pinteau : jouant, par extraordinaire, un rôle qui n’est pas de pure charge, il se contente avec sagesse de s’y prouver bon comédien. Mme Jouassain prête à la belle-mère une autorité peut-être un peu grave, mais vertement comique. M. de Féraudy tient avec intelligence un petit rôle; pour le reste des personnages, ils ne font que figurer.

Quelle que soit la qualité de l’ouvrage, il convient de louer la Comédie-Française de son intention : elle a fait effort pour s’égayer. Cependant, la Porte-Saint-Martin jouait un Macbeth auquel nous reviendrons un jour, et qui peut se donner, quel qu’il soit, pour un essai littéraire; l’Odéon, après l’Athlète, de M. Fournier, un badinage en vers, représentait Bérénice avec l’aide de la bien disante Mlle Hadamard. L’anniversaire de la naissance de Corneille revenait sur l’affiche; et, en même temps, y reparaissait, rue Richelieu, un à-propos de M. Emile Moreau, déjà produit l’an dernier. Le neuf manque-t-il donc? Justement, MM. les sociétaires auraient trouvé dans un volume de saynètes, publié cette semaine[1], un petit acte en vers, le Mariage de Corneille, qui eût fait leur affaire. Mais, quelque bon exemple qu’elle se laisse donner par les autres, et quelque négligence qu’elle mette à remplir certains devoirs, nous tenons quitte aujourd’hui de tout reproche cette grave personne qui se nomme la Comédie-Française : il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’elle a voulu rire.


LOUIS GANDERAX.

  1. On va commencer, par M. Pontserrez; Tresse, éditeur.