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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/111

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centralisation et d’exploitation des chemins de fer par l’état trouvaient plus de faveur que dans les rangs du centre gauche. Une coalition qui avait pour but d’éloigner la solution du grave problème des chemins de fer se forma tout naturellement entre les partisans de l’exploitation par l’état et les députés qui épousaient les passions et les rivalités locales. Le projet de M. Depretis ne fut point mis en discussion, et, avec l’assentiment du nouveau ministre des travaux publics, M. Baccarini, on y substitua la loi du 8 juillet 1878, qui disposait qu’une commission législative procéderait « à une enquête pour déterminer dans quelle mesure les modes d’exploitation des chemins de fer suivis jusqu’à présent, et les conditions, bases et calculs sur lesquels reposent les conventions négociées jusqu’ici, répondent à l’intérêt de l’état, et, en outre, pour rechercher quelles sont les méthodes à préférer pour la concession de l’exploitation elle-même à l’industrie privée. »

Ces derniers mots tendaient à faire penser que la chambre des députés persistait dans ses préférences pour l’exploitation par l’industrie privée ; mais la même loi contenait une disposition qui donnait un démenti à cette interprétation. La convention avec la Société des chemins du sud de l’Autriche pour l’exploitation, pendant deux années, du réseau de la Haute-Italie, expirait le 1er juillet. M. Baccarini n’avait point cherché à la renouveler pour prolonger, au moins pendant la durée de l’enquête, cette situation provisoire ; il avait demandé, et la loi du 8 juillet lui accordait l’autorisation de prendre immédiatement la direction de cette exploitation et de la continuer par les soins et pour le compte de l’état. Si l’on se souvient que la loi qui a sanctionné le rachat du réseau de la Compagnie générale des chemins romains fixait également une date à laquelle cette société devait cesser son exploitation et la remettre aux ingénieurs de l’état, la pensée qui inspirait ces divers actes se dégage clairement. Les partisans de l’exploitation par l’état acquéraient la certitude qu’il serait fait une expérience en grand de ce système, au moins pendant la durée de l’enquête, et ils comptaient qu’à la suite de cette expérience, la lassitude et l’appréhension d’apporter de nouvelles perturbations dans un service aussi important détermineraient la majorité parlementaire à reconnaître et à consacrer le fait accompli.

Les résultats de l’enquête devaient déjouer ce calcul et rendre une vie nouvelle aux idées et aux projets de conventions que M. Depretis n’avait pu faire triompher.


CUGHEVAL-CLARIGNY.