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de la mer nummulitique sur le point de se dessécher. La configuration même de cette mer étroite et longue explique sa conversion, au moment où s’opéra son retrait en une Caspienne isolée et basse, ne recevant peut-être les eaux d’aucun fleuve considérable et offrant un degré de salure assez intense pour en écarter les animaux, mais favorable encore au développement de certaines algues qui l’auraient envahie sur une large étendue. Une circonstance curieuse vient à l’appui de cette hypothèse : les algues du flysch sont en étroite relation de forme avec celles des mers antérieures de la craie et du Jura, mais presque sans affinité avec celles des mers actuelles, dont l’absence doit être notée d’autant plus qu’elles se montrent justement sur l’autre versant des Alpes dans le gisement contemporain de Monte-Bolca. Ces types d’algues jurassiques et crétacées paraissent ici pour la dernière fois ; ils touchent à leur entière disparition. Il semble que ce bassin fermé du flysch, d’où la plupart des autres organismes vivans auraient été exclus, serait devenu un asile pour toute une catégorie de végétaux marins en voie d’extinction.

Après le dessèchement de la mer du flysch, la région des Alpes et l’Allemagne furent de nouveau réunies ; sans doute un exhaussement graduel et continu avait amené ce résultat. Une ceinture de sol émergé était venue s’ajouter aux précédentes et la masse continentale, définitivement soustraite à l’invasion des eaux, se trouvait avoir acquis plus d’étendue et plus de relief. — À ce moment, du reste, par une combinaison des conditions climatologiques et de la configuration du sol, dans l’Europe du sud principalement, les grands lacs prévalurent, et l’influence d’une humidité tiède favorisa l’essor de la végétation, qui, sans rien perdre de sa richesse ni de sa variété, devint plus luxuriante et plus fraîche. Dans aucun temps elle ne confondit dans une alliance plus harmonieuse les formes caractéristiques de la zone tempérée avec celles qui font l’ornement des régions voisines du tropique.

Dans cet âge, nommé « aquitanien » et auquel se rattachent la plupart des lignites tertiaires, les arbres qui sont demeurés l’apanage de l’hémisphère boréal, les aulnes, les peupliers, les ormes, les érables, les chênes, même les bouleaux et les saules, s’introduisent ou se multiplient. En même temps, l’Europe, et par conséquent la Suisse, sont peuplées de séquoias, de cyprès chauves, de Glyptostrobus, de Chamœcyparis, de liquidambars, de tulipiers et de bien d’autres types aujourd’hui perdus pour nous, mais que l’Amérique ou l’Asie ont conservés et que la culture s’attache à nous rendre. Parmi les palmiers encore nombreux, il faut distinguer les sabals, maintenant relégués aux Antilles ou dans la partie