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la plus chaude des États-Unis, les dattiers devenus africains, les Flabellaria, qui font songer aux Thrinax de l’Amérique centrale. D’autres encore, comme le Manicaria formosa et le Calamopsis Bredana, sont assimilés par Heer au pisang et au rotang des forêts vierges de l’Amérique équatoriale. Il convient de mentionner enfin les dernières cycadées sur le point de nous abandonner pour jamais.

Durant cette période, postérieure au flysch, mais antérieure à la molasse marine, la plaine suisse, semée de lacs profonds vers le milieu, marécageux et encombrés de végétaux le long des bords, n’avait gardé de la mer précédente que quelques flaques d’eau saumâtre au fond de la dépression qui suivait la région des Alpes. Heer s’est demandé où se rendaient les eaux qui alimentaient ces cuvettes lacustres, assez creuses pour recevoir, sans en être comblées, des épaisseurs de sédiment atteignant jusqu’à 300 et 400 mètres. Mais s’il est possible d’esquisser les limites des anciennes mers, comment jalonner la direction des cours d’eau d’autrefois à leur sortie des lacs dont ils entraînaient le trop plein ? — On peut dire d’une façon générale que les oscillations du sol ont été le plus ordinairement l’effet de mouvemens de bascule, et le point immobile d’où part l’impulsion s’appelle « la charnière : » il en fait effectivement l’office. La région des Alpes, avant de redresser ses puissantes arêtes, a dû présider à de pareils effets et remplir le rôle de charnière. — En effet, le dessèchement de la mer éocène, remplacée par des lacs dans le centre et le sud de l’Europe, eut pour contre-coup dans le nord-ouest l’extension d’une autre mer, la mer « tongrienne ou oligocène, » celle des sables de Fontainebleau, qui couvrit la Belgique, s’étendit de Cherbourg en Westphalie, et, par Cassel, pénétra dans la vallée du Rhin et l’occupa jusqu’au-delà de Bâle, peut-être plus loin encore. Il est vraisemblable que c’est dans la direction de cette mer que s’opérait l’écroulement des cuvettes lacustres qui couvrirent la Suisse centrale jusqu’au moment de l’invasion de la mer molassique.


IV

Heer a appliqué le nom de « molasse » non-seulement aux sédimens de la mer miocène, dont nous tracerons bientôt les contours, mais à l’ensemble des formations soit lacustres, soit marines ou d’eau saumâtre, qui se succédèrent, en Suisse, dans le cours entier du miocène. Ces formations ont, il est vrai, pour trait commun de comprendre des grès marneux, le plus souvent tendres au moment de l’extraction, se durcissant à l’air et pouvant servir de matériaux de construction, mais passant aussi sur d’autres points à l’état