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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/22

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uniquement préoccupée de l’accueil qui l’attendait, tressaillant toutes les fois qu’un courrier envoyé ou un voyageur parti de Metz pouvait lui apporter quelques nouvelles, la reine se donnait à peine le temps de respirer et fit route quarante-huit heures de suite sans s’arrêter, Elle arriva à Metz le 18 août, à minuit, pour apprendre avec autant de joie que de surprise qu’une amélioration inattendue s’était manifestée dans l’état du roi.

Que ce fût l’effet d’une dose inaccoutumée d’émétique administrée par un empirique, nommé Dumoulin, qu’on avait fait venir quand tous les médecins s’étaient déclarés découragés, ou simplement une de ces réactions que la nature opère souvent à elle seule dans les maladies inflammatoires, il est certain qu’au moment où on n’attendait plus que le dernier soupir et où le moindre bruit entendu dans la chambre du malade semblait être l’annonce de la fin, le mal se relâcha subitement, la fièvre tomba et la connaissance, un instant égarée, revint. Quelques heures de sommeil apportèrent un véritable soulagement et c’est en sortant de ce repos salutaire que Louis apprit l’arrivée de la reine. Malgré l’heure avancée de la nuit, il témoigna à l’instant le désir de la voir. « La reine entra seule, dit Luynes, le roi l’embrassa et lui demanda pardon des chagrins et des peines qu’il lui avait causés. » Le lendemain, faisant venir toutes les dames de la reine, il renouvela en leur présence le même aveu, s’excusant en particulier auprès de Mme de Luynes de l’avoir fait souvent souffrir, sans doute en lui imposant une compagnie qui répugnait à sa vertu. Les jours suivans, l’amélioration se soutint et, avant la fin de la semaine, la guérison paraissait certaine.

La reine avait peine à croire à son bonheur. Voir son époux repentant et rétabli, réconcilié avec Dieu, et rendu à la fois à la vie et à sa tendresse, c’était plus que, pendant ses heures d’angoisses, elle n’avait osé demander dans ses prières. Aussi ne pouvait-elle contenir son ravissement. « Je n’ai rien de plus pressé que de vous dire que je suis la plus heureuse des créatures, écrivait-elle à l’ennemi de sa rivale, Maurepas, le seul ministre qui n’eût pas fléchi devant l’idole. Le roi se porte mieux. Dumoulin assure qu’il est presque hors d’affaire : il dit même plus, et je n’ose encore m’en flatter. Il a de la bonté pour moi, je l’aime à la folie. Dieu veuille avoir pitié de nous et nous le conserver 1 Je vous conseille de demander la permission de venir. Adieu, ne doutez pas de mon amitié : j’embrasse Mme de Maurepas[1]. »

Elle avait raison d’être heureuse, car elle n’était pas seule à se réjouir, et son bonheur, qui n’avait rien d’égoïste, fut promptement

  1. Lettre de la reine à Maurepas, tirée des archives de M. de Chabrillan.